Après avoir remporté un grand succès avec la publication d’Inconnu à cette adresse, une surprenante plaquette, les éditions Autrement récidivent avec un autre passionnant roman de Kressmann Taylor (Kathrine de son prénom, Kressmann étant son nom de jeune fille). Jour sans retour, d’abord paru en 1942, déploie son intrigue dans l’Allemagne des années 1930. Le récit parvient à rendre de façon originale la montée du nazisme par la vision intériorisée d’un personnage inspiré du témoignage d’un pasteur allemand exilé aux États-Unis. Ce jeune étudiant en théologie, assiste, actif mais impuissant, à l’escalade de l’asphyxiante idéologie prônée par le IIIe Reich jusqu’au sein de l’Église : « Je suis né dans un pays et à une époque où deux forts courants de pensée devaient se rencontrer et s’affronter. Les larges eaux claires du christianisme coulaient paisiblement à l’arrière-plan de l’histoire depuis près de deux millénaires ; les nations et les armées, les bataillons et les armadas ne venaient en troubler que la surface ».
C’est avec force détails que l’auteur décrit l’immense entreprise de déshumanisation qu’entreprennent les troupes d’Hitler. La lente mais efficace infiltration de l’Église se fait sous les yeux horrifiés de ses ouailles qui, lorsqu’elles résisteront, seront victimes d’exactions : pour briser l’institution, les nazis commencent par briser les hommes et pour briser les hommes, il leur faut maîtriser l’art de la barbarie. C’est ce que s’attache à démontrer Kressmann Taylor dans ce magnifique roman qui mélange abondamment la fiction à l’histoire, tout en dressant un portrait réaliste et saisissant d’une époque où l’on payait chèrement pour ses idées.