S’il mérite l’attention de tous les auditoires, ce magnifique « retour sur soi » séduira particulièrement les lecteurs québécois. Surtout ceux qui, en raison de l’âge, peuvent suivre l’auteur du début à la fin de son cheminement, mais aussi quiconque sait s’étonner devant l’instabilité de nos constructions sociales et psychologiques les mieux fondées. Un jeune homme est passé qui, avouons-le, ne ressemble guère à ce qu’affiche la cinquantaine.
Alain Rémond détaille sans équivoque la carte d’identité qu’il détenait dans son enfance : Breton, catholique, immergé dans une famille nombreuse, pauvre et campagnarde, très à droite sur l’échiquier politique et intellectuel. Presque sans s’en rendre compte, il aboutit dans une communauté religieuse qui, faute d’effectifs suffisants, l’envoie compléter ses études au Québec. Sautons les étapes dont l’auteur ranime finement le souvenir : Rome, l’Algérie… Puis, on arrive à l’autre versant du contraste : l’homme mûr se situe à gauche, ne croit qu’à ce qui lui est démontré, pénètre le monde des médias, raconte Bob Dylan. Un jeune homme est passé, mais qu’est-il devenu ?
Il s’agit d’une vie, mais aussi d’une époque charnière. Les anciennes certitudes craquent et l’on s’étonne qu’elles le fassent de façon aussi semblable à partir d’un passé breton que d’un enracinement québécois. À la fois l’universalité et l’inimitable beauté de chaque nature. Alain Rémond, qui a chèrement payé la phrase de trop échappée dans son précédent récit (Chaque jour est un adieu, Seuil, 2000), ose pourtant, une fois encore, s’abandonner aux confidences, confesser ses volte-face, s’avouer infiniment et bellement vulnérable. C’est bref, intense, prenant. Et tellement semblable à une certaine révolution tranquille.