Au terme d’une journée de tournage particulièrement difficile, le réalisateur de cinéma Simon Jodoin s’inquiète de percevoir un bruit lancinant, semblable au sifflement ininterrompu d’une bouilloire. Jodoin y voit d’abord le symptôme d’une fatigue excessive. Cependant, le bruit persiste et s’amplifie, même, les jours suivants. Le cinéaste se résout à consulter un médecin qui lui révèle que le sifflement est un acouphène, provoqué par une tumeur affectant le nerf auditif. Jodoin est effaré, car il est possible que l’opération altère ses facultés auditives, sans pour autant le débarrasser nécessairement de son acouphène : « le mot tumeur tomba entre eux comme un couperet […] Clac. Finies les tergiversations, finie l’ignorance crasse, un seul mot venait de tout bouleverser ».
Même si on a la chance de n’avoir jamais été confronté à une telle épreuve, on imagine assez bien le choc qu’elle peut engendrer. En s’inspirant de sa propre expérience, Michel Tremblay a tenté précisément de rendre compte de l’angoisse, des espoirs et des désillusions d’un homme soudain isolé et diminué par la maladie. L’homme qui entendait siffler une bouilloire est aussi le récit d’un deuil, celui de la musique, que Simon Jodoin ne pourra plus jamais écouter de la même manière.
L’écriture de Michel Tremblay demeure empreinte d’une grande pudeur et ne sombre jamais dans le pathos. Cependant, la dimension psychologique du roman aurait gagné à être approfondie. La conclusion, notamment, nous laisse un sentiment d’inachèvement. L’homme qui entendait siffler une bouilloire n’est pas le meilleur texte de Michel Tremblay mais il se laisse lire aisément en une soirée.