En choisissant d’évoquer les ravages du maccarthysme et la psychose engendrée par la guerre froide, Philip Roth met en lumière l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire contemporaine des États-Unis. Pourtant, en ces temps d’après-guerre froide, on en vient presque à oublier qu’il y a aussi eu des communistes aux États-Unis.
Plus de quarante ans après la fin de cette période tourmentée, Nathan Zukerman s’entretient avec son ancien professeur de littérature, Murray Ringold, le frère d’Ira, auquel Nathan a été très attaché durant sa jeunesse. Ira, véritable colosse, a connu le succès à la radio (c’était, alors, le temps des productions radiophoniques) après avoir mené une existence difficile, partagée entre le combat pour le Parti et les batailles de rue. Ira, devenu Iron Rinn – l’homme de fer – tombe amoureux d’une ancienne star du cinéma muet : Eve Frame. Antisémite, parce qu’incapable d’assumer sa judéité, Eve est tyrannisée par sa propre fille, née d’un premier mariage. La lutte d’Ira pour faire progresser ses idéaux tournera au désastre, comme son mariage, au moment où Eve confiera avoir épousé un communiste dans un livre au succès retentissant. La vie d’Ira en sera brisée, ainsi que celle de son frère Murray et de Nathan.
Du rêve au cauchemar, il n’y a parfois qu’un pas, semble suggérer Philippe Roth, qui se garde toutefois de donner dans le manichéisme. Grâce à un art consommé de la narration et à l’intégration de plusieurs voix conflictuelles (un communiste converti aux lois du marché, un professeur de lettres rétif à tout embrigadement idéologique, etc.), Philip Roth parvient à tenir le lecteur en haleine, en dépit de certaines longueurs. Un vibrant hommage à ceux qui ont été les premières victimes de leurs opinions politiques.