Lorsqu’on les considère comme des polarités de l’être humain, le bien et le mal ne posent pas en eux-mêmes un problème. La souffrance survient quand on reste englué dans la dichotomie et qu’on se met à construire des systèmes moraux. Encore, si nous réussissions à entrer dans le mouvement rendu possible par l’espace entre les deux pôles, un dynamisme serait créé, qui dissiperait quelque peu ne serait-ce que certaines illusions métaphysiques en s’appuyant la force ascendante de la vie. Or, aujourd’hui, il n’en est rien. Loin d’avoir réussi à dépasser le mensonge de la morale métaphysique et de nous être émancipés de l’idéalisme, nous nous sommes au contraire enfoncés dans l’évitement des risques, même, et surtout, dans toutes les pratiques que nous qualifions d’extrêmes.
À mon sens, le succès de Paolo Coelho tient pour une large part au fait qu’il réactive de façon massive tous les jugements de valeur : nous sommes littéralement condamnés, écrit-il, à nous mouvoir « dans l’éternelle Division entre les deux opposés. » Jugement sans appel. Nos idéologies peuvent ainsi tranquillement continuer à détruire les forces créatrices et à fixer les normes au moyen desquelles nous favorisons la décadence. En concluant avec ce livre une trilogie amorcée avec Sur le bord de la rivière Piedra, je me suis assise et j’ai pleuré (1995) et Véronika décide de mourir (2000), l’écrivain brésilien montre malgré lui que nous avons pratiquement perdu toute possibilité de Culture.
Bescos, un petit village perdu de deux cent quatre-vingt-un habitants. La vieille Berta est assise sur le pas de sa porte. Vêtu comme un pèlerin, un étranger s’amène. C’est l’Autre, le survenant, le démon, c’est-à-dire celui par qui peut se produire un événement. Mû par une énorme souffrance, il a choisi cet endroit pour vérifier sa théorie sur la nature de l’homme : les êtres humains sont disposés à faire le mal. Il suffit de les tenter, et ils s’y jettent corps et âme. Il en sait quelque chose, lui, un bon chrétien vendeur d’armes, qui a vu sa femme et ses filles assassinées par des « terroristes ». Partant du principe que la preuve établie par un homme vaudra pour l’humanité entière, il propose à Chantal Prym, l’humble serveuse de bar, un défi machiavélique engageant toute la communauté. Estimant le destin sous d’autres jours, elle lui répond par un pari, à ses yeux plus juste. Du Bien ou du Mal, lequel choisir ? Pour la réponse, consultez Tirésias ou Nostradamus.