Superbe entrée en matière : « C’est ma chimère qui m’a réveillée, encore une fois. » Pas question, en effet, de lui échapper. « Elle me serre le coeur de ses deux mains de fer, me tétanise jusqu’à ce que je décide de me lever pour écrire. » Quand le besoin d’exprimer, de dire, de crier s’empare ainsi de l’âme, on peut s’attendre au meilleur.
De fait, ce meilleur sera souvent offert. Surtout, ce qui ne surprend pas chez Yolande Villemaire, quand le souffle poétique gonfle la prose jusqu’à l’éclatement. L’amour, quand il naît, mais aussi quand il fausse compagnie, inspire une fulgurance d’images, de télescopages verbaux, d’assonances lourdes de sens et de rythme. En d’autres pages, c’est la bêtise administrative ou la mesquinerie de l’entourage professionnel qui font grincer les phrases. Cela vit.
Le bouquin sera parfois victime de ses tumultes. L’enseignante qui se raconte fait la part belle à la chronique de ses dépressions et l’on s’émeut de cette fragilité avouée et convertie en pédagogie agissante et en ouverture aux autres. Mais le récit s’alanguit quand se multiplient les pages sur les négociations avec l’informatique ou que prolifèrent les références littéraires plus tapageuses que pertinentes.
Des petits fruits rouges, heureusement, s’entêtent à ressusciter les souvenirs, à faire revivre et pardonner les imprudentes promesses de l’enfance, à répandre parfums et couleurs jusqu’aux confins de l’existence. Poésie incarnée et prenante.