Je rougis d’avoir tant tardé à entrer dans l’univers de Jean-Louis Major. Son délectable décapage des mSurs universitaires, sa caricature finement désinvolte des mercenaires de la médecine, ses coups de griffe infiniment jouissifs sur l’épiderme blindé des éditeurs, cela aurait dû m’être connu depuis longtemps. Mon regret de n’avoir pas su débouche ici sur la contrition parfaite et le ferme propos.
Major écrit comme des mains sûres d’elles manient le scalpel. Il ausculte gens et mSurs, époques et sociétés avec goût, mesure et démesure. Il débride les abcès, mais sait donner même à ses plus séduisantes méchancetés la légèreté, l’élégance et la stylisation des fables. Au moment où la personne risquait d’être blessée par son assaut, Major prend du recul et reporte sur une classe sociale ou une confrérie par trop prétentieuse ce que la minutie du portrait aurait pu comporter de cruel. Il faut voir là plus que la simple retenue grâce à laquelle des humains fort différents parviennent à se supporter les uns les autres ; on est plutôt mis en présence d’une noblesse de manières, d’une culture qui préfère le fleuret à la rapière, d’une aptitude à distinguer la critique de l’abattage. Ce qui n’implique pas que les coups se perdent !
Major est l’homme d’une lignée. Il conserve de son enracinement en d’autres siècles l’art du zoom arrière qui dessine un caractère au sens qu’entendait La Bruyère, mais il entre de plain-pied dans une époque capable de caricature.