Alma Desamparada (Âme Abandonnée) vit dans un quartier pauvre de La Havane entre une grand-mère autoritaire et une mère qu’elle déteste au point de ne plus la désigner que par son seul prénom : Consuelo. Alma, qui étouffe dans cet univers sans perspective, est habitée par une obsession : celle de découvrir qui est son père, cet inconnu grâce auquel, sait-on jamais, elle pourrait échapper à son milieu défavorisé. Pour savoir comment le reconnaître, elle ne dispose que d’un seul indice : son pied. En effet, il paraît qu’Alma a les pieds de son père. C’est donc avec une grande attention qu’elle scrute cette partie de l’anatomie chez les hommes qui croisent son chemin.
Le roman de Zoé Valdés couvre un large pan de la vie d’Alma en suivant un parcours qui passe par l’enfance, la rencontre avec le père, l’amour, l’exil et la maternité. D’une manière générale, Le pied de mon père est un livre sur le mensonge : le mensonge de la naissance, pour Alma, mais aussi le mensonge sur lequel est édifiée la société cubaine. Alma, qui est née avec la Révolution, n’a de cesse de dénoncer la misère et la décrépitude ambiantes, de même que tous les travers et les injustices du régime castriste. En cela, Le pied de mon père rejoint les préoccupations de Cher premier amour, l’avant-dernier ouvrage de Valdés. Bien que le premieraccorde moins de place au fantastique que le second, et qu’il soit peut-être davantage autobiographique, son style est aussi mordant, son humour aussi satirique, sa critique de la société cubaine aussi impertinente. Décidément, Zoé Valdés frappe par son talent ; chez elle les descriptions sont remarquables, le rythme vivant, le langage imagé : autant d’ingrédients qui composent une œuvre drôle, originale et intelligente.