Comment a-t-on abordé, au sein du mouvement communiste international, le fait national dans son analyse et surtout comment en a-t-on disposé sur le plan politique ? Comment comprendre les profondes divisions politiques dont il est à l’origine, son impact déterminant sur la consolidation du stalinisme mais aussi, finalement, l’effet catalyseur qu’il développera dans l’éclatement de l’Union soviétique ? Enfin, sous l’angle de la méthode, comment peut-on arriver à construire la problématique de la question nationale en tant qu’objet d’étude mais sans sacrifier l’analyse de classe ? C’est à partir de ces interrogations que Richard Poulin tente de comprendre les fondements et l’évolution des rapports entre nationalisme et communisme ainsi que le défi pratique et politique que pose aujourd’hui à la réflexion marxiste l’exacerbation des conflits nationaux de toutes sortes.
Pour l’auteur, l’idée de nation relève d’un processus. Elle n’est qu’une forme historique de l’évolution sociale. Il y a donc ici une imbrication essentielle à saisir tant sur les plans historique que théorique. De même, sur l’arène internationale, plus que jamais, la combinaison entre économies nationales et marché mondial représente un élément central : « La lutte des classes est nationale dans sa forme mais internationale dans son contenu. » Richard Poulin rejette donc dans sa démarche toute définition idéologique à la recherche d’une « communauté d’origine » reposant sur la construction d’un imaginaire national. Ce nationalisme, cette « idéologie de la solidarité nationale » portée par l’État-nation autour de l’unification homogène entre territoire, nation et État est donc perçu avant tout comme un enjeu de la politique au sein d’une structure de classes. Abordant les disparités de la question nationale et les paradoxes du nationalisme, selon qu’il s’agit d’une lutte de minorités pouvant combiner résistance et particularisme agressif ou encore de la politique centralisatrice ou expansionniste d’un État-nation, cet ouvrage tente de définir la perspective politique qui sous-tend la perception du problème national par le marxisme.
Enfin, devant la déraison nationaliste qui se répand, attisant le racisme et multipliant les « paniques identitaires », cet essai conclut sur la nécessité stratégique d’opposer à la mondialisation une forme d’internationalisme basé sur les notions de « complémentarité et réciprocité » dans la prise en compte du fait national. Défi que soulève l’auteur dans le cadre d’un projet émancipateur interpellant tout aussi bien les prétentions démocratiques du marché que les limites sociales de l’expérience soviétique.