Ce n’est qu’à la page 425 de ce gros volume (qui en compte 426) que le lecteur apprend ce qui a incité Natalie Angier, 42 ans, journaliste spécialiste des questions de biologie au New York Time, et prix Pulitzer soit dit en passant, à écrire Femme ! : « Nous bavardions et elles se posèrent la question : aurions-nous choisi d’être un homme, si on nous avait donné le choix ? Oui, avons-nous toutes répondu. » Parce que « les hommes ont plus de liberté ». Et Natalie Angier de revenir sur cette opinion émise autrefois en famille.
Il est vain d’attendre de cette étude une resucée de confessions vaguement cafardeuses. Le propos, rigoureux, est étoffé de données à caractère scientifique (entre évolution de l’espèce, endocrinologie, neurobiologie, anthropologie et génétique) qui dessinent les frontières d’une « géographie intime » ‘ An intimate geography est le sous-titre américain ‘ de la moitié de l’humanité.
Haro sur les clichés réducteurs ! Au diable les diktats normatifs ! Sachez-le mesdames (les hommes sont pareillement invités à se pencher sur le « sujet »), Femme ! est un « manifeste pour une psychologie subversive ». Qu’on se le dise, « la prochaine phase de la révolution permanente aura besoin de puiser à la sororité dont faisaient preuve les singes du Vieux Monde ». « Du punch ! », voilà ce qu’il « nous » faut, préconise Natalie Angier dans ce qui est sans doute le meilleur chapitre, fort justement sous-titré « Plaidoyer pour l’agressivité féminine » : « [L]e monde a besoin de votre sauvagerie, de votre frénésie, de vos rêves ». Signalons à ce propos la pertinence des titres des chapitres, exercice malaisé que le sens de la formule de Natalie Angier sauve ici de la mièvrerie : « Cornes et tentacules (La prodigalité de l’utérus) » ; « Sophismes (L’histoire des seins) » ; « De l’huile dans les rouages (Brève histoire des hormones) » ; « Rien de tel que la renommée (Mères, grands-mères et autres grandes dames) ».
La journaliste, qui se désigne elle-même comme « une pessimiste qui aime les utopies, une fantaisiste cartésienne », consacre 27 pages d’anthologie au « clavier bien tempéré », cette « petite clef » des Grecs ‘ Natalie Angier a d’ailleurs un heureux penchant pour l’étymologie ‘, qui est le seul organe humain à n’avoir « aucun rôle fonctionnel » (ça fait peur ) mais « à vocation purement sexuelle » (on est rassuré !). Quelques coups de griffe égratignent facétieusement la psychologie évolutionniste, ersatz d’éthologie qui est remise à sa place sur le divan ! Vous êtes prévenus, notre « incroyante au paradis » a de l’humo(e)ur : « Des quatre humeurs fondamentales recensées par les philosophes de l’Antiquité ‘ la bile (l’humeur chaude, colérique), le flegme (l’humeur froide), la mélancolie ou bile noire (l’humeur sèche) et le sang (l’humeur humide) ‘, je prétends être trois quarts bile chaude et un quart mélancolie »
Disons-le tout de go : ce livre dense est captivant, remarquablement documenté (les citations et les références historiques abondent), fort bien écrit, joyeusement subversif et, ce qui ne gâche rien, parfois franchement drôle.
Un reproche toutefois, dont Natalie Angier, du reste, n’est pas responsable : l’éditeur français nous laisse un peu sur notre « fin » ; il a en effet supprimé sans la moindre justification la bibliographie de quatorze pages que comportait l’édition américaine. « De la clarté avant toute chose », proclamait l’introduction