NUIT BLANCHE

Au départ, on nous présente un jeune Américain du Kansas qui s’engage dans l’armée, désireux de servir son pays. On craint de devoir subir l’histoire de G.I. Joe contre les méchants musulmans. Heureusement, à partir du troisième chapitre, l’intrigue se développe tout en nuances. Fils d’immigrants d’origine bosniaque, Kurt Kurtovic trouve un exemplaire du Coran dans le fatras d’objets dont il hérite à la mort de son père. L’idée que celui-ci ait pu pratiquer la religion musulmane avant son départ pour l’Amérique le hante durant toute sa carrière militaire. Puis, un voyage initiatique en ex-Yougoslavie le conduit au cœur des massacres. Converti à l’islam et embrigadé par Rashid, un « frère d’armes » du Koweït, Kurtovic se glisse plus tard parmi le personnel de l’ONU afin de préparer un attentat terroriste. Alors qu’il attend les ordres, une bombe explose au World Trade Center. Il comprend qu’il a été manipulé, se rend compte que son éducation américaine n’a fait que l’écarter du saint combat. Le premier roman de Christopher Dickey, chef du bureau parisien de l’hebdomadaire Newsweek, nous permet de regarder l’arrogance américaine sur le plan international avec les yeux de ceux qui la subissent. Perspicace et concis, l’auteur relie l’invasion de Panama, la guerre du Golfe, les conflits sanglants en Somalie et en Bosnie et l’attentat du World Trade Center. Il se dégage de ce roman une vision inquiétante de la société américaine, menacée de l’extérieur et sur le point d’imploser (il suffit de penser aux événements d’Oklahoma City et de Waco, sans parler des tueries dans les écoles). Le fanatisme religieux, le besoin d’une cause à défendre et d’une raison d’exister poussent de plus en plus de gens vers l’extrémisme, mais sait-on vraiment ce qui déclenche la folie meurtrière ? Chose certaine, à la fin du livre, on ignore toujours quand la bombe appelée Kurt Kurtovic va exploser. Inquiétant…