Ce roman à tiroirs pour le moins surprenant raconte la mission secrète de deux agents très spéciaux, qui reçoivent l’ordre de parcourir l’Europe afin d’éliminer un enfant de dix ans : le jeune Adolf Hitler. On comprend que ce roman audacieux nous conduit dans le domaine de l’anticipation, de l’insolite et parfois de l’absurde. Les personnages imaginaires rencontrent fréquemment des personnages historiques (qui font des apparitions éclair). Pourtant, on ne saurait réduire Le goût du voyage à cette trame linéaire, car l’auteur a recours à plusieurs narrateurs et multiplie les points de vue. Le romancier mélange à souhait les intrigues et les styles, mais sans abuser inutilement des procédés. La narration se métamorphose tour à tour en journal intime, en chronique, en correspondance, en récit dans le récit et en roman dans le roman. Elle passe sans prévenir de l’ère du cédérom aux cabarets munichois des années 1930, les transitions dans le temps devenant aussi faciles que les voyages d’un continent à l’autre.
Ce livre exceptionnel est écrit dans un climat de totale liberté d’imagination. Aucune barrière ne semble limiter l’auteur. On pense au style ininterrompu de Camilo José Cela, à la spontanéité de Woody Allen et à l’humour de Patrick Imbert. On sourit, on rit, on est parfois choqué, envoûté, décontenancé. La vraisemblance et la retenue sont ailleurs. Mais on ne s’ennuie jamais. Deuxième roman de son auteur à être traduit en français (après Rien ne va plus, traduit en 1993 chez le même éditeur), Le goût du voyage permet une découverte assez privilégiée de la littérature polonaise actuelle, grâce à cet éditeur suisse qui en fait sa spécialité.