Si vous êtes l’un des irréductibles auditeurs de l’émission Paaaaaaaar… quatre chemins de l’auguste Jacques Languirand, ce livre est peut-être pour vous. Sinon… Rarement on a vu un pamphlet soixante-huitard aussi achevé ! Il y a longtemps que nous n’avons pas vu un auteur citer aussi souvent Ivan Illitch et Edgar Morin. Cela en dit beaucoup sinon sur la génération de son auteur, du moins sur le camp dans lequel il lutte et duquel il propage l’idéologie.
Ce livre n’en est pas un de vulgarisation scientifique : il en a seulement l’allure et en emprunte – par hasard ? – la facture et le ton. Les aliments trafiqués est un texte « contre ». Tous les démons les plus « gau-gauches » qui soient y défilent dans un credo prévisible. Sans en avoir l’intelligence et la rigueur, par son approche paranoïaque, il fait penser à l’œuvre de Chomsky sur les médias américains dans la polémique entourant la diffusion des informations sur le Timor-Oriental. Si Chomsky parvient à nous convaincre de sa thèse, quoiqu’en nous laissant parfois de sérieux doutes, Kneen par contre ne nous persuade que d’une seule chose : son prosélytisme.
Dans le débat actuel suscité par les biotechnologies et les craintes justifiées que suscite le « biobusiness » qui n’a pas attendu notre approbation pour introduire dans nos assiettes des aliments modifiés génétiquement, nous aurions été redevables de recevoir, pour nous aider à y voir clair, un ouvrage qui nous aurait fait connaître l’ABC de ce sujet important.
Mais ce n’est pas ce que nous propose ce pamphlet qui n’est pas même un essai nous présentant des faits, des « pour » et des « contre ». Non, Kneen nous prend par la main, pour ne pas dire par le bout du nez, et nous entraîne à grands renforts de jugements péremptoires vers son but : nous convaincre du danger démoniaque des biotechnologies appliquées à l’agriculture et de la grande conspiration mondiale (surtout américaine, idéologie oblige) des multinationales de l’alimentation et de tous les Faust modernes déguisés en chercheurs sérieux et indépendants.
Les agents Mulder et Scully pourraient citer ce livre à chaque épisode de la série télévisée X-Files, tellement le climat de conspiration y est omniprésent. Peut-être l’auteur a-t-il raison, peut-être ses exemples sont-ils vrais ? Il n’en fait toutefois aucunement la démonstration…
Alors, un livre à lire en croquant une pomme biologique, à la lueur d’une chandelle et Loreena McKennitt en musique de fond. Il se résume au mot d’ordre de l’un des personnages de ce petit chef-d’œuvre qu’est Pourquoi j’ai mangé mon père : « Back to the tree ! »