Les lecteurs reconnaîtront peut-être plusieurs des textes de ce Voyage en pot, dont l’essentiel a été publié au fil des semaines dans Ici Montréal. En les rassemblant, Louis Hamelin a effectué un travail qui leur donne une nouvelle unité de ton. Ce ton est celui de l’apesanteur, celle qu’on éprouve lorsqu’en descendant d’avion on touche soudainement le dividende de l’éloignement : pouvoir observer ce qu’on connaît comme si c’était nouveau.
Durant les quelque deux ans que couvrent ces chroniques, Louis Hamelin a fait plusieurs fois la navette entre le Québec et la France. En France, il fait des découvertes amères et douces. Il raconte l’ésotérisme d’appareils ménagers dont il finit par percer les mystères, pour voir Gilles Deleuze briller de ses derniers feux sur l’écran. Le chroniqueur vit aussi quelques mésaventures dans le monde des Lettres parisien, où il rencontre une toute-puissante Ogresse. Dans plusieurs chroniques, Louis Hamelin parle par ailleurs de politique (la question nationale, la guerre, le port d’arme, les zapatistes) avec une droite simplicité.
Les pages les plus fortes sont peut-être les chroniques du Québec, où Louis Hamelin a fait de fameux voyages. Il dit notamment un bain de jouvence fait en Mauricie parmi une nature aimée. En Gaspésie, il rencontre des amis témoins des voyages de l’enfance. Puis il écrit sur son chat, qui vit dans les ruelles de Montréal. Ce sont peut-être là les pages les plus personnelles de ces chroniques et la meilleure histoire de chat qu’on ait lue depuis Le Matou.
Une autre veine riche dans ce livre est le commentaire littéraire, dont le style sera familier aux lecteurs du Devoir. On retiendra entre autres l’invitante présentation que Louis Hamelin fait des idées d’Yves Boisvert.
Mystérieux style que celui de Louis Hamelin : quand on y regarde de près, les phrases semblent souvent mal tournées. Pourtant, leur magie s’exerce et la voix de l’auteur s’impose, qu’on entend ensuite longtemps après avoir fini la lecture.