Anne Hébert, Le secret de vie et de mort témoigne, à n’en pas douter, d’une fréquentation assidue de l’œuvre hébertienne et, de façon générale, le regard qu’y promène André Brochu est celui du spécialiste de la thématique et de l’herméneutique. Celui-ci s’emploie essentiellement à « interpréter » les œuvres interrogées, à trouver « l’idée explicitée », le « sens symbolique », les « significations principales » des textes… Celui-là s’efforce de débusquer « les continuités thématiques » en mettant en relief les motifs les plus récurrents de l’œuvre, tels la « révélation de [l’]être », la libération, la révolte, le désespoir, l’association « vie et mort », l’eau… La thématique du cœur et des mains est de même fortement marquée chez Anne Hébert, selon l’essayiste, moins cependant que celle du secret, « omniprésent », « central », dont l’œuvre entière d’Anne Hébert serait la « quête » et qui est ici pistée sans relâche.
S’il permet de dévoiler les significations et les itérations sémantiques de l’œuvre, un tel parcours risque en revanche de confiner à une sorte de paraphrase textuelle tout en donnant l’impression que la « modernité » d’un auteur tient en grande partie à la matière qu’il utilise. Heureusement qu’André Brochu ne délaisse pas complètement la « manière » hébertienne. Et certains lecteurs, dont je suis, apprécieront sans doute davantage les observations concernant la rhétorique (la « fréquente métaphorisation d’un être humain en animal »), la syntaxe narrative (la « segmentation du récit », le renversement des rôles), l’intertextualité (appelée ici « autocitation » quand la chose concerne Anne Hébert). Approfondis, de tels propos nous conduisent plus sûrement au cœur même de l’originalité de l’œuvre étudiée qui est, comme toujours, moins de l’ordre du contenu que de celui du contenant.