La presse étasunienne a souvent rapproché Robert Reed du regretté Theodore Sturgeon. Il est vrai que, tout comme son illustre prédécesseur, Robert Reed a cette volonté de parler plus de l’humain que de la technologie qu’il utilise, de mettre l’accent sur les personnages plutôt que sur l’« idée » – si chère et si centrale à toute littérature de science-fiction – qui soutient l’intrigue.
Or, si Reed ne déroge pas dans Béantes portes du ciel à cette manière et qu’il raconte avec beaucoup de tendresse le destin de quelques personnages extraterrestres issus d’une race étonnante, les Infimes, j’ai tendance, pour ma part, à l’associer à un autre grand disparu du genre, Clifford Simak, dont plusieurs se rappelleront les chefs-d’œuvre, Demain, les chiens et Carrefour des étoiles, pour n’en citer que deux.
C’est que, dans ce livre où les « intrusions » – des passages permettant de voyager instantanément d’un monde à l’autre, mais où le voyageur ne peut rien amener, pas même son corps – sont légion, Extraterrestres et Terriens se rencontrent, au départ, sans fracas technologique, sans déploiements de paranoïa ou de haine, et qu’une bonne partie de l’histoire se passe à la campagne, en pleine savane texane, loin de toute grande ville. De plus, lorsque nous abordons les mondes extraterrestres, c’est aussi dans des familles que nous aboutissons, certes déconcertantes, « autres », mais où le sentiment est décuplé.
Le roman Béantes portes du ciel est la suite de Voile terrestre , mais il peut se lire indépendamment. De fait, il propose ni plus ni moins que la même histoire, mais vue par des personnages différents. Dans la première mouture, c’est un personnage humain qui est accentué – Cornell Novak, présent dans les deux romans. Dans le livre qui nous intéresse ici, l’histoire est vue principalement par les yeux d’une extraterrestre, une représentante des Infimes – Po-lee-een, alias Porshe, devenue la compagne de vie de Novak.
Amour, tendresse, dépaysement et conception audacieuse, quatre éléments primordiaux dans l’écriture de Robert Reed, autre maître de cet art remarquable qui consiste à élargir, encore et toujours, les horizons de l’imaginaire humain.