C’est à l’île du Cap-Breton, au début du siècle, que grandiront les filles de James Piper et de Materia Mahmoud, jeune adolescente libanaise promise à l’âge de quatre ans à un dentiste de son pays. Mais le plan de vie de Materia, tracé par des parents aux conceptions traditionnelles, bifurque le 17 février 1898 alors qu’elle quitte le foyer pour rejoindre James, le jeune accordeur de piano, qui l’emmène à Irish Cove. Du mariage de James et Materia naîtront quatre filles. Un parfum de cèdre raconte l’histoire de cette famille singulière qui traverse une vie marquée par la guerre et par une grève des mines de charbon, et dont le destin se donne à comprendre à partir de l’amour excessif du père pour Kathleen, la fille aînée.
L’histoire se construit d’abord autour de celle-ci, qui a devant elle une brillante carrière de chanteuse d’opéra, puis prend un tour particulier avec son retour précipité de New York. À travers les réminiscences de la scandaleuse Frances, « un mètre cinquante, plate comme une planche à repasser, fine comme une baguette », celle qui dit à la petite Lily : « Le diable, c’est moi », finissent par émerger les secrets qui expliquent comment se sont formées les personnalités précaires des trois sœurs, fort différentes l’une de l’autre. C’est avec beaucoup de sensibilité et un doigté particulier que l’auteure décrit peu à peu cette famille qui se craquelle sous nos yeux comme une fine porcelaine.
Ann-Marie MacDonald, dans ce récit très bien ficelé, crée avant tout une atmosphère dans laquelle évoluent des personnages attachants. Le monde de l’enfance, avec son imaginaire fertile peuplé de farfadets et de fantômes, est habilement évoqué et concourt à établir un climat de doute et d’inquiétude qui constitue la principale qualité du roman.