Nous vivons une époque formidable ! Sur le plan des idées tout au moins, des idées scientifiques, s’entend. Depuis que Copernic nous a révélé la place excentrique de notre planète, bien loin du centre de l’univers, nous n’avons cessé de prendre la mesure de la relativité de notre importance dans cet univers dont les silences effrayaient tant Blaise Pascal.
La génétique, science pratiquement toute nouvelle, nous entraîne actuellement, comme dirait le capitaine Kirk, là où aucun homme n’est jamais allé. Nous sommes en train d’acquérir l’intime connaissance des plans d’organisation de la vie. De la bactérie la plus courante au maringouin le plus ennuyeux, des algues marines jusqu’aux moisissures recouvrant un fromage, une molécule nous unit tous plus certainement que n’importe quelle idéologie, rabaissant encore une fois nos prétentions humaines à vouloir encore et toujours être une espèce unique élue des Dieux.
L’ADN (acide désoxyribonucléique) et sa longue chaîne torsadée en une double hélice, mise en évidence dans les années cinquante, est le langage qui permet d’épeler avec un alphabet de quatre lettres chimiques (A : adénine, T : thymine, C : cytosine, G : guanine) toutes choses animées, ce que nous appelons depuis toujours la vie.
Donc, depuis plus de trois milliards d’années, l’histoire du vivant est surtout l’histoire de cette molécule providentielle. Une longue histoire chimique dont nous possédons tous au cœur de chacune de nos cellules un résumé complet transcrit sous la forme de gènes (les mots composés avec l’alphabet ADN : A, T, C, G).
Si tout ce qui vit nous est apparenté et que 90 % du texte de notre génome est commun avec tout ce qui grouille, pousse et se multiplie, reste que nous sommes bien différents de l’escargot, de la tulipe ou du cafard. Cette différence de forme et de destinée n’est possible qu’en raison d’une différenciation d’un fragment bien modeste du texte de notre ADN humain. Et entre les humains, ce qui fait la différence entre vous et moi est encore dramatiquement plus insignifiant que ce que tous les Jean-Marie Le Pen du monde voudront bien affirmer.
Depuis dix ans, un grand projet visant à comprendre et à lire le texte humain de cette molécule est en branle. Il s’agit du Projet Génome Humain qui – depuis qu’on a envoyé l’homme sur la lune – est la plus grande œuvre scientifique jamais entreprise. C’est cette grande aventure que raconte Jean-Pierre Rogel dans son livre : La grande saga des gènes, publié chez Lanctôt. Un livre intelligent et documenté de façon irréprochable ; cette « grande saga » vous aidera à prendre la mesure de cette incroyable poussée du savoir actuel et permettra à chacun de démêler le « tu » du « moi » dans ce nouvel ensemble conceptuel qui nous tombe dessus tous les jours dans les médias.
C’est un ouvrage qu’il vous faut avoir dans votre bibliothèque si vous aimez la science et surtout parce qu’il est essentiel à la compréhension des débats que soulève déjà la génétique dans nos vies et plus largement dans la société.
De plus, c’est un livre écrit au Québec, avec notre propre système de références. Généralement, les ouvrages de vulgarisation marquants nous proviennent de France ou des États-Unis et les référents nous laissent souvent avec un arrière-goût d’étranger qu’il nous faut à chaque page adapter et traduire dans notre contexte culturel. Ici, la science se raconte avec nos mots et notre fibre reconnaissable. Seulement pour cette dernière raison, il faut lire ce livre et le prendre pour exemple. Rien à dire de plus sinon : à lire, à lire, à lire absolument !