Jungien rangeant la psychanalyse du côté de la poésie et partisan d’une approche résolument holistique, Guy Corneau partage avec Hubert Reeves la vision de l’être humain comme « poussières d’étoiles », partie intégrante du cosmos qu’il porte en lui. Il aborde cette fois-ci deux thèmes intimement liés : la dynamique de la guérison et le sens de la souffrance. Même s’il confond à mon avis trop facilement celle-ci avec la douleur, son travail, élaboré à partir de sa propre expérience de la maladie, dépasse les cadres clinique et théorique pour déboucher sur une vision réellement éco-centrique et non, comme le soutient la business du bien-être, sur l’égo-centrisme du matérialisme spirituel. Il s’agit ainsi de sortir, selon sa belle expression, de notre état de « famine spirituelle » en reprenant contact avec notre intimité.
De quoi un malade souffre-t-il ? D’un ralentissement, de blocage de la fonction symbolique, parfois même de stase énergétique. Pour en sortir, un cheminement est nécessaire qui, pariant sur la patience et sur la progressive création d’un espace intérieur, doit redonner au corps son mouvement physique et psychique. C’est que le cœur, au-delà des cavités et des muscles, comporte des dimensions morale et sentimentale qu’il importe d’explorer si l’on veut lier son individualité à l’universalité et ainsi s’autoguérir en allant à la rencontre de soi. En favorisant l’ouverture de la conscience, on reprend du pouvoir sur sa vie et on retrouve la force de la responsabilité et de la liberté, projet qui engage la « collaboration de tout l’être à l’inconnu que le symptôme exprime ». Le parcours proposé va donc de l’exploration des émotions à une compréhension libératrice de la souffrance. Son immense intérêt théorique vient de ce qu’il oblige à concevoir le déni comme espoir et non simplement comme refus de reconnaître la perception traumatisante. Au lieu de rester confortablement assis dans son fauteuil de thérapeute, Guy Corneau suit ici les pas de Johanne de Montigny, l’une des grandes accompagnatrices québécoises des mourants.
Aussi stimulant que soit cet ouvrage, je me demande toutefois, d’un point de vue clinique, s’il convient d’être aussi friand de sens et de symbolique que le préconise l’auteur. La passion (pulsion ?) herméneutique ne risque-t-elle pas de faire oublier — passer sous silence… — la simple existence de la chose qui blesse et paralyse ? La mise à mort du symbole fait-elle vraiment avancer vers la dissolution de la détresse ? La puissance de l’amour et de la présence ne suffit-elle pas ?