Ça coule de source, l’eau est indispensable à la vie. Ce qui est moins transparent, c’est que l’eau potable est inaccessible à un nombre considérable et grandissant de personnes ; on parle d’un peu plus d’un milliard d’habitants sur la planète bleue. Les raisons en sont diverses mais bien connues. Évoquons l’augmentation de la pollution industrielle des eaux de surface et souterraines, les sécheresses affectant de nombreux pays à fort potentiel démographique, les gaspillages, la surexploitation agricole, le non-renouvellement naturel des nappes phréatiques, sur fond de différends politiques charriant les impératifs de compétitivité et de puissance…
La guerre de l’eau a bel et bien débuté et à moins d’un sursaut de civisme et d’une solidarité cohérente et authentique entre les peuples, elle conduira à la première révolution du XXIe siècle. Car si aucune législation n’est adoptée dans les plus brefs délais partout dans le monde, la moitié de la population mondiale sera privée d’eau potable dès l’an 2025. Sans doute, l’institution d’une journée mondiale de l’eau, le 22 mars de chaque année, contribue à l’information et à la sensibilisation du public, mais il y a plus à faire, le temps presse, le seuil de pénurie, fixé à 1000 m3 par an par habitant, est déjà atteint en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Il y a vingt ans déjà que les dirigeants du monde ont pris conscience de l’ampleur du problème d’approvisionnement en eau, sans que soient prises des mesures de planification et de gestion à long terme. Depuis le premier sommet tenu en Argentine, en 1977 il semblerait plutôt que les hommes politiques aux commandes se soient laissé charmer par des sirènes sonnantes et trébuchantes ; l’eau n’est plus qu’un bien économique. Cette denrée essentielle à la vie constitue une dernière plage de profit pour le capitalisme. Très lucrative…
Voilà pourquoi Riccardo Petrella, partisan des contrats mondiaux, prône la désétatisation de l’eau, ce qui soustrairait cette richesse aux logiques bureaucratiques. Cela ne signifie nullement privatisation, car l’eau est un bien commun patrimonial de l’humanité qui doit être administré solidairement et géré de manière participative par des Parlements de l’eau, en vertu d’un Droit international de l’eau et à travers un réseau mondial de personnes résolues et compétentes œuvrant pour la Paix par l’eau. La suggestion la plus originale du Manifeste de l’eau est le prélèvement volontaire de 0,01 % sur les transactions financières quotidiennes des banques, sorte d’auto-taxation distincte de la fameuse taxe Tobin.
Pour provoquer une prise de conscience collective, amener chacun à remettre en question sa conception d’un bien depuis toujours naturel, le président du Groupe de Lisbonne recommande, comme principe premier de son manifeste, de proclamer que l’eau appartient à l’ensemble de l’humanité. Avant même d’être un être pensant, l’homme est un être liquide, principalement constitué d’eau.
Dénier aux êtres humains le droit à l’eau, c’est nier leur droit de vivre.