La prolifération actuelle des publications dans le domaine rend très difficile un regard d’ensemble sur la poésie au Québec, ce qui contribue à la nécessité plus grande que jamais d’en recomposer l’histoire. Malheureusement, les ouvrages impartiaux et les anthologies de qualité sur le sujet sont rares. Le livre de François Dumont, édité dans une collection scolaire qui se rapproche des « Que sais-je ? » français, est un outil franchement bienvenu. À mon avis, le plus important à être publié depuis La poésie québécoise de Laurent Mailhot et Pierre Nepveu, anthologie qui avait le mérite de présenter les auteurs avec beaucoup de rigueur malgré la brièveté des notices. Dans un style clair et non emphatique, François Dumont pose adroitement les bases d’une ressaisie de la cohérence et des aléas de la poésie québécoise depuis le début du XIXe siècle. Le découpage en six parties qu’il propose reprend des jalons connus, tout en les reformulant pour éviter les clichés. Ainsi, il ne se contente pas de renchérir sur des figures emblématiques ou de parler de mouvements souvent importés d’Europe. « La voix de l’histoire », « L’ici et l’ailleurs », « Hautes solitudes », « Vivre mieux », « La poésie en question » et « Ouvertures » sont des titres qui suggèrent un raffinement des lieux communs de la critique. L’auteur n’utilise pas des étiquettes, comme la poésie du pays ou le formalisme, de façon passive, il cherche à nommer des vecteurs significatifs et à comprendre l’enchaînement conflictuel d’attitudes collectives. Chemin faisant, il prend acte de plusieurs redécouvertes d’auteurs et établit une distance critique face à d’autres dont on a discuté jusqu’à les perdre de vue. Il ne s’agit pas d’une vision linéaire, mais d’un compte rendu lucide des tâtonnements et des interactions qui forment une histoire littéraire. En bout de course, ce travail d’interprétation historique nous éclaire beaucoup sur l’explosion actuelle des tendances, tout en mettant en relief le peu de popularité de la poésie depuis qu’elle a quitté les ornières du discours nationaliste. Le dernier chapitre, où François Dumont entreprend la difficile tâche de représenter la période récente, est particulièrement intéressant de par la multiplicité d’avenues qu’il considère, incluant l’intimisme, la narrativité, l’écriture migrante, et le regain des soirées de poésie et de la mise en musique de poèmes. Reste à espérer que cette indispensable mise à jour profitera à un peuple sans mémoire, trop souvent inconscient du fait qu’il écrit à tout moment dans les échos de quelqu’un.