Depuis la parution d’ Extension du domaine de la lutte (chez Maurice Nadeau, en 1994, repris dans J’ai lu, en 1997) l’œuvre en prose et l’œuvre poétique de Michel Houellebecq n’ont cessé d’être le territoire de discussions sur ce qui advient de la nouvelle littérature française. Michel Houellebecq, auteur discret et paradoxalement médiatique, est en fait un phénomène qui vient secouer les idées reçues selon lesquelles la littérature française actuelle serait froidement formelle et du côté de la poursuite des caractéristiques du nouveau roman, ou encore aurait abandonné les préoccupations sociales pour raconter des fables sur le destin individuel.
Avec Michel Houellebecq, le quotidien hante la vie ou plutôt l’apparence de vie du héros qui n’est ni glorieux ni absent. Plutôt lucide, il semble tristement conscient de ce qui se passe en lui et autour de lui sans pour autant démissionner de son rôle d’acteur. Il y a du Meursault dans ce regard implacable sur un réel qui est abordé comme n’étant ni passionnant, ni transformable. Ici, pas de soleil, mais du gris, des métros, des bureaux, des douleurs et des dégoûts, des scènes dérisoires surprises entre le vécu et le senti, confirmant que « l’amour, on n’en a jamais trop ».
En poésie cela n’est pas courant dans la production récente française que de voir surgir, dans une forme classique respectant (assez librement tout de même) la rime et le vers octosyllabique ou l’alexandrin, l’indifférence du quotidien, les petits riens, les lourdeurs, les peurs, valeurs triviales que cette poésie a rarement accueillies, tout inquiète qu’elle a été depuis Mallarmé des interrogations sur la forme et le langage. Pour Michel Houellebecq, ce qui compte c’est ce qui est vécu et ce qui veut se dire et non comment : « J’ai eu diverses choses à dire / Ce matin, très tôt, vers six heures / J’ai basculé dans le délire, / Puis j’ai passé l’aspirateur. »
Renaissance est un recueil de résistance à la bêtise, aux choses qu’il faut faire ou ne pas faire, aux constats trop esthétisants mettant l’homme aux prises avec une métaphysique abstraite. La poésie de Michel Houellebecq propose des mots immédiats coulés dans des formes fixes comme si ce qui était urgent à dire passait par le connu et le retour du réalisme. Les lieux sont la vie de tous les jours, les voyages, les manies, les désirs (même et surtout déçus). Avec violence et tendresse, ces poèmes au rythme du quotidien disent la petite amertume du miracle de vivre. C’est de ce côté qu’il y a Renaissance, recommencement sinon du monde, du moins du jour : « Le soleil tombe / Et je résiste / Au bord des tombes, / Bravo l’artiste ! »
Troisième recueil de ce poète d’un nouveau réalisme, Renaissance interroge avec sensibilité l’état des choses et des émotions. Pas d’esbroufe ! La vie, la mort, la poésie s’inscrivent sans concession « [d]ans les murs de la ville où le malheur dessine / Ses variations fragiles ». C’est touchant, beau et exact. À lire, comme ses autres livres. Bravo Houellebecq !