Les voix de l’amour sont impénétrables.
Que Hannah aime Martin, et que Martin aime Hannah, quelle classique histoire d’amour. Que Hannah, l’étudiante, aime Martin, son professeur, quelle intéressante histoire, sans être exceptionnelle. Que Hannah Arendt aime Martin Heidegger, quelle belle problématique philosophique. Mais comment Hannah, la Juive engagée, a-t-elle pu, sa vie durant, aimer d’un amour au-delà de toutes raisons, Martin, le chantre du nazisme ?
Sentant sa fin proche, Hannah décide de comprendre. Et vers qui se tourner, sinon sa pire ennemie ? Ainsi donc, Hannah, la maîtresse, cherche des réponses auprès de Elfride, l’épouse légitime et fidèle. En 1975, autour d’un café dans une cuisine en Allemagne, chacune raconte en les embellissant ses souvenirs. Car, en dépit de cinquante années de lutte et d’un Heidegger désormais physiquement et intellectuellement diminué, les deux femmes tentent, toujours, de gagner la première place. Après les mots cinglants et les vengeances mesquines, s’installe la confidence. Elfride et Hannah mettent de côté leur inimitié pour tenter de s’apprivoiser, car après tout, ne sont-elles pas les deux femmes les plus proches et les plus différentes du monde ? Hannah, l’étrangère, la nomade apatride, a traversé, par instants, la vie de Martin. Aux yeux du philosophe génial, elle n’a pas vieilli. Elfride, l’épouse attentive et prévenante, a été de tous les moments. Elle a su ancrer son couple dans la durée en bravant les pires calomnies de l’après-guerre. L’épouse était le foyer ; l’amante, son échappée.
Profitant de cette revue de vie, Catherine Clément esquisse une théorie sur l’adhésion, brève, de Martin Heidegger à l’idéologie du 3e Reich. Est-ce la mère de famille bourgeoise qui a entraîné vers le pire un époux obnubilé par les idées ? Est-ce la volonté chez le philosophe de voir se concrétiser ses beaux principes ? Martin Heidegger a chèrement payé son tribut social, mais une chose est certaine, Hannah a pardonné.