En se centrant sur les cinémas nationaux ou sur ce que Dominique Noguez nommait fort justement « le cinéma autrement », ce troisième livre d’H-Paul Chevrier aurait pu s’intituler Histoire du cinéma depuis 1960. Cet enseignant et critique de films a compris depuis longtemps que le cinéma de qualité ne se trouve désormais plus sur les écrans commerciaux et dans les multiplexes, mais bien dans les festivals et les salles de répertoire.
Le tour d’horizon ici proposé est diversifié et aucun acteur important n’en est absent : Bresson, Bergman, Resnais, Jancsó, Buñuel, mais aussi Cassavetes, Watkins, Tarkovski, et puis leurs continuateurs les plus populaires : les frères Coen, Wong Kar-wai et tant d’autres « cinéastes postmodernes » qui, selon Chevrier, « s’assèchent dans le maniérisme » et « baignent dans le dilettantisme ».
Ouvrage pédagogique d’une grande clarté, ce livre inclut entre autres des listes et des tableaux thématiques très utiles portant successivement sur les films essentiels du cinéma moderne, les films essentiels du cinéma politique, les films postmodernes, les films numériques. L’autre point fort de ce livre est de fournir des catégories stylistiques qui facilitent le repérage : le cinéma minimaliste de Béla Tarr, le cinéma baroque de David Lynch ou le cinéma réflexif d’Atom Egoyan, par exemple.
H-Paul Chevrier n’est pas tombé de la dernière pluie et ses jugements sont souvent lucides, notamment à propos de l’écrasante culture de masse émanant des États-Unis : « Hollywood produit 10 % des films dans le monde, mais occupe 85 % du temps-écran en Amérique et en Europe. Il a su accaparer toute la distribution, ce qui lui permet d’écouler ses navets et surtout d’y amasser 55 % des recettes ».
Dans des formules concises et presque ironiques, l’auteur réussit admirablement à synthétiser un certain cinéma d’auteur caractéristique des années de l’apogée du septième art : « Le cinéma moderne des années 1960, c’est d’abord le cinéma dédramatisé d’Antonioni », caractérisé par le plan-séquence. Et depuis 30 ans, en cette période de disette cinématographique, « on en arrive à présenter comme géniaux des films plus ou moins abstraits, expurgés de leur contexte socioculturel, et vantés pour leur seule valeur formelle ».
Par son exhaustivité et sa rigueur, l’auteur nous offre avec Le cinéma de répertoire et ses mises en scène l’un des meilleurs bilans du cinéma mondial des cinquante dernières années. Cependant, on ne peut que déplorer l’absence de certains films québécois dans ce vaste panorama.