Mazouz OuldAbderrahmane a été acteur, réalisateur et metteur en scène de plusieurs films et pièces de théâtre, mais il ne nous a laissé qu’un seul roman, un petit bijou publié de manière posthume qui prouve qu’il y avait en lui un véritable écrivain. Le Café Maure est à la fois un roman d’apprentissage, un roman historique et un roman politique.
L’apprentissage est celui d’un jeune adolescent, Fekkir (nom qui signifie pauvre en arabe), orphelin recueilli par la philanthrope Lalla Hlima (qui porte le prénom symbolique de la nourrice du prophète Mohammed). Fekkir apprend à travailler, découvre l’amour et s’imprègne des fondements de la politique dans le Café Maure où il est chargé de diverses corvées avant de remplacer le cafetier lui-même.
L’histoire est celle de l’Algérie colonisée. On devine que le récit se situe peu avant les mouvements indépendantistes mais le chergui (ou sirocco en arabe maghrébin) violent qui transforme la ville en un paysage de sables tourbillonnants empêche une vision claire et semble brouiller également les dates. C’était ainsi il y a peu de temps et c’était ainsi pendant longtemps.
La politique, si elle est discutée dans ce café où toutes les positions cohabitent malgré elles, comme dans le Karnak café de Naguib Mahfouz, est en fait partout présente. L’amour est politique, la religion est politique, l’argent est politique, le sport, devenu une joute où s’exprime une fois de plus la brutalité inouïe du colonisateur, est politique.
Le roman décrit un univers violent où les injustices de la colonisation ont « dépassé l’excuse civilisatrice ». L’anachronisme inhérent à sa parution en 2013 balaie du revers de la main tous les discours qui émergent à nouveau pour souligner les soi-disant bienfaits à long terme de la colonisation. Le Café Maure est une magnifique commémoration de douleurs ancrées historiquement en même temps qu’une chronique superbement écrite contre toutes les oppressions.