Dans la polarisation sociopolitique qui se dessine au Québec depuis quelque temps et qui a connu un certain apogée au cours du « Printemps érable », on sent que les tenants de la droite bénéficient d’un argumentaire qui, pour simpliste qu’il puisse paraître à d’aucuns, s’avère bien huilé grâce à un discours développé et ressassé depuis maintenant de nombreuses années, d’abord aux États-Unis et dans l’Ouest canadien, et maintenant au Québec avec certains animateurs radio, chroniqueurs et commentateurs de l’actualité qui martèlent leurs revendications libertaires et leur dénonciation d’un État trop présent et maternant. Devant eux, la gauche ne semble avoir à opposer qu’un discours plein de bonnes intentions mais vieillissant et qui peine à trouver des arguments rationnels. C’est ainsi que certains intellectuels cherchent à renouveler le discours de la gauche en réarticulant directement leurs arguments en réponse à ceux du néolibéralisme.
C’est dans cette optique que les auteurs de cet opuscule démontent les principaux axiomes de la droite, à commencer par le mythe de l’homo crusoeconomius (néologisme créé par eux pour désigner l’approche qui consiste à considérer le fruit des efforts des agents économiques sans tenir compte de l’apport de leur environnement, comme si nous étions tous des Robinson Crusoë), et montrent que l’égalité des droits ne peut exister sans égalisation des chances, et que la liberté totale ne peut que mener au chaos.
Ils le font dans un style clair et vivant, et avec des démonstrations accessibles, bien étayées et parfois étonnantes (saviez-vous, par exemple, qu’il est statistiquement prouvé qu’on a beaucoup plus de chances de se rendre à la Ligue nationale si on naît en janvier, et que cet avantage indu s’explique rationnellement ?).
Certes, on pourrait reprocher aux auteurs un certain manque d’impartialité qui les amène à ne même pas évoquer les dérapages et inconvénients d’une politique socialisante (rien n’étant parfait), mais d’autres s’en occupent. L’équilibre est ainsi rétabli.