Une belle découverte que ce recueil de Jonathan Locke Hart, deuxième à paraître en français aux éditions du Noroît après Apostrophes (2001). Cette poésie ample et descriptive ressemble en plusieurs points à celle du Québécois Louis-Jean Thibault, surtout dans son dernier recueil, Reculez falaise, mais aussi dans Géographie des lointains. L’un comme l’autre, ils évoquent avec distance et humilité jusqu’à leur univers intime par le truchement de l’espace extérieur qui agit comme un miroir. Chaque poème est un paysage avec ses avant-plans, ses frontières, ses flous. Chez Hart, qui est plutôt inspiré par la nature, il est fait de lacs, de bois, de mers ; autant d’éléments qui se transforment sous le regard interrogateur du poète, comme si, à force d’être scrutés, ils perdaient de leurs qualités. Plus souvent ils finissent par s’émietter et disparaître : « Nos corps se brisent dans la poussière ». L’espace des Prairies et d’ailleurs en Amérique du Nord s’ouvre à celui de l’Orient, auquel est consacré un chapitre entier. L’autre qu’il côtoie par le regard donne au voyageur une assise intérieure, mais une assise encore là fuyante : « […] j’essaie / de couler cette fiction dérisoire / dans ce moule d’ossements, et faire / de moi quelque chose ». Dans cet Orient comme en Alberta, où il réside désormais, le poète cherche une histoire personnelle et commune qui pourrait donner un semblant de sens à sa vie, mais cette histoire est le passé qui, lui, est cendre. Il y a dans cette poésie une fascination pour ce qui s’en va et n’est déjà plus, comme cette femme – une ancêtre ? –, enterrée dans le Massachusetts : « Fût-il possible de remonter dans le temps / Que la pièce serait trop pleine de nous / Pour que nous puissions parler ». Si l’on se laisse bercer par ce long phrasé fait d’enjambements, ce mouvement nous amène souvent vers une chute, ou un brouillage de sens, ou une sorte d’ennuagement qui laissent songeur. C’est une poésie aussi très réflexive, mais paradoxalement attachée aux choses, ce qui la rend accessible. Il faut souligner le minutieux travail de la traductrice, Nicole Mallet, qui a su recréer dans le rythme des vers cette impression de vagues qui meurent sur la grève.
SOUFFLE ET POUSSIÈRE
- Le Noroît,
- 2011,
- Montréal
113 pages
18,95 $
Trad. de l’anglais par Nicole Mallet
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