On referme ce livre tout admiratif devant la résilience du genre humain. Car ce qu’a vécu cet auteur, et sa famille, est quasi inimaginable pour le citoyen lambda canadien, tout repu de son confort et passant une grande partie de son temps à tenter de le bonifier jusqu’à plus soif.
Fuyant la folie meurtrière qui a cours au Rwanda à partir de 1994 et qui oppose les Hutus extrémistes aux Tutsis et aux Hutus modérés, ce citoyen d’ethnie hutu décrit la fuite incroyable de sa famille et de ses proches dans une Afrique centrale presque en tout point similaire à la description de Joseph Conrad dans Au cœur des ténèbres.
Un très long parcours donc, parsemé d’embûches innombrables, où la mort par balle ou par maladie n’est jamais loin. Un exil forcé fait de périodes de sédentarité où la survie passe par la multiplication des petits boulots et le marchandage constant dans la promiscuité étouffante des camps de réfugiés, exil marqué par les gestes de trahison et d’entraide, le découragement et le courage.
Au total, des milliers de kilomètres parcourus à pied, en pirogue, de mille manières, dans un environnement naturel et humain hostile, dont la famille ressort, vivante, par miracle. Elle atterrira au Canada, ici au Québec, aboutissement inouï d’une vie à jamais bouleversée. À preuve, l’auteur admet avec pudeur que son mariage, malgré la complicité de tout instant nécessaire aux nombreuses épreuves, n’y a pas survécu.
Un beau et émouvant témoignage, dont on aurait toutefois apprécié plus de précisions sur l’interprétation personnelle de l’auteur quant au conflit dans cette région, lui qui a sûrement tant à dire sur ce sujet. Peut-être à l’occasion d’un prochain livre pour cet historien de formation.