Le nouveau roman d’Emmanuel Kattan est une quête des absents qui devient quête de soi, grâce à des chemins personnels, libérés de tout tracé préalable, à des « lignes de désir ». De Montréal à Jérusalem, le récit oscille entre un passé individuel rempli de souvenirs d’enfance et un présent envahi par l’histoire collective d’un espace social déchiré. Première absente, Sara, jeune étudiante en anthropologie, de père juif et de mère musulmane, disparaît à Jérusalem ; son histoire ouvre le texte sur un ton de polar. Le lecteur a tôt fait de se rendre compte que l’enquête policière est un fil directeur trompeur, prétexte à une description de vies multiples en cette ville où chacun est sommé de choisir son camp.
Un autre absent recherché dans cette œuvre originale est Dieu. Plusieurs personnages aspirent à le retrouver, mais seule une démarche libérée des contraintes de religions exclusives et qui révère l’humain presque autant que Dieu permettra d’atteindre la spiritualité perdue.
Le lien entre les absents est Daniel, le père juif venu en catastrophe chercher sa fille. Sa vie est marquée par les disparitions : sa femme d’abord, décédée d’un cancer, sa fille maintenant, et entre les deux, sa foi. Son périple en terre ancestrale est une épreuve dont il sortira grandi malgré tout.
Nombreux sont les pièges, les stéréotypes, les récits attendus, les discours préétablis dans lesquels un tel contexte socio-historique aurait pu faire tomber le roman. Mais rien dans ce texte ne sombre dans le déjà-dit. Kattan se refuse à choisir et évite toute conclusion du récit qui pourrait être lue comme une prise de parti.
Cet ouvrage, d’une gravité extrême, est écrit dans une langue à la fois simple et pleine de surprises stylistiques. Le roman est nourri d’une culture littéraire, biblique et coranique qui en renforce l’armature. Enfin, l’enchevêtrement des multiples voix qui se croisent dans divers modes de récits (narration à la troisième personne, journal intime, courriels, récit biblique) rythme le texte et tient le lecteur en haleine jusqu’à la fin.