Peut-être l’alter ego de l’auteur lorsqu’il ne veut pas devenir trop sérieux, le personnage de Ti-Mé ne dit que des sottises. Pour notre plus grand bonheur ! Comment pourrait-il en être autrement face à un monde absurde ? Comment l’absurde peut-il répondre logiquement à l’absurdité qui nous entoure ?
Le présent recueil est une suite du Journal d’un Ti-Mé, paru en 2000 chez le même éditeur. Les textes prennent différentes formes : capsules, petits sketches, listes d’épicerie, entrevues imaginées et loufoques qui se muent en dialogues de sourds… Un peu comme si Ti-Mé devait affronter ses juges. Presque tous les personnages de La Petite vie ont ici droit à quelques répliques imprévisibles ou à quelques tirades inédites : Moman, Rod, Thérèse, Caro, Creton, Pogo, Rénald. Comme on le sait, Ti-Mé a une opinion bien tranchée sur tout, y compris sur des sujets brûlants comme l’environnement, les religions, le sexe, le transsexualisme ou encore la mort. Les calembours surabondent dans cet univers insensé, transposé dans de fausses entrevues ; ainsi, lorsqu’on demande à Ti-Mé s’il est « climato-sceptique », celui-ci répond d’emblée qu’il serait plutôt « clamato-sceptique », car il ne croit pas que le Clamato soit indispensable dans la recette du Bloody Mary ! Et on y trouve même quelques pages sur la COVID, « cette invitée du destin » qui provoquerait la « distanciation conjugale » !
Le ton de ce 2e journal oscille entre le cocasse et le burlesque, mais certains passages semblent soudainement plus recherchés et créent une rupture de ton, comme cette phrase attribuée à Creton, conjuguée au passé simple : « Nous devînmes rapidement champions en télékinésie ». Mais est-ce que l’on rit en lisant ce livre ? C’est plutôt comme lorsqu’on lit le texte d’une pièce de théâtre : il y manque le jeu et les intonations des interprètes. Mais ceux, nombreux, qui appréciaient l’univers de La Petite vie reconnaîtront ici la plume de l’auteur.
Claude Meunier occupe une place à part dans l’histoire de l’humour au Québec ; il a révolutionné les manières de faire rire. À la fin des années 1970, à l’époque du trio humoristique Paul et Paul, les sketches de Claude Meunier faisaient hurler de rire des auditoires de cégépiens médusés par son style absurde, alors totalement nouveau. Il serait temps d’évaluer et d’étudier sérieusement la cohérence de son œuvre et les rouages de son humour, mais aussi de revaloriser ses tentatives pour échapper à son registre, par exemple par sa pièce mi-amère Monogamy (coécrite avec Louis Saia en 1982), dont il faudrait publier le texte sous forme de livre, ou encore de revoir son long métrage dramatique, Le grand départ (2009). L’ACFAS lui a consacré un colloque savant tenu à l’Université McGill (les actes sont parus sous la direction d’André Smith : Claude Meunier, dramaturge, VLB, 1992).