Auteur prolifique maintes fois primé, Philippe Besson lève cette fois le voile, avec Le dernier enfant, sur le syndrome du nid vide. Bien construit, sans véritable temps mort, le roman se lit aisément, non sans un certain plaisir. Mais une fois la lecture terminée, le lecteur ressent à son tour un certain vide.
Anne-Marie et Patrick, couple sans histoires, habitent un pavillon de banlieue et travaillent tous deux dans un magasin à grande surface. Ils ont eu trois enfants, le troisième arrivé sur le tard pour les raisons que l’on devine. Théo n’en est pas moins aimé et chéri par sa mère, qui se sent à nouveau pleinement vivre, renouant avec le sentiment de plénitude et d’épanouissement que son emploi de caissière ne peut lui apporter. Lorsque survient l’inévitable départ du petit dernier, son monde vacille. Le roman débute au moment où Anne-Marie prépare une dernière fois le petit déjeuner de Théo, tout juste sorti de l’adolescence, beau et insouciant comme le sont les jeunes à cet âge. Il quitte le foyer familial pour se rapprocher du collège où il compte poursuivre ses études et, bien entendu, voler de ses propres ailes. Anne-Marie devrait être fière, lui dit son amie Françoise, qu’il n’ait rien d’un Tanguy. Mais Anne-Marie demeure sourde et aveugle aux remarques de son amie et de ses deux autres enfants, qui ne voient dans le départ de Théo que pure normalité. Le moment venu, Anne-Marie doit se résigner à empaqueter les derniers objets de première nécessité, à masquer sa peine et à veiller à ce que Théo ne manque de rien. Tous trois s’entassent dans la Kangoo qu’a pu emprunter Patrick pour aider Théo à s’installer dans son studio, minuscule aux yeux d’Anne-Marie et bien conçu aux yeux de Patrick, à quelque 40 kilomètres du foyer familial. Théo pourra revenir à la maison aussi souvent qu’il le désire.
Construit comme une succession de huis clos (le dernier déjeuner, le trajet en voiture entre le foyer familial et le studio, l’aménagement du studio, le repas au restaurant avant de se laisser, le retour en voiture, la recherche de consolation auprès des autres enfants du couple et de la voisine, la confrontation entre les époux qui se retrouvent seuls), le roman expose le désarroi d’Anne-Marie et, de façon plus discrète, plus retenue, celui de Patrick. Les gestes et les paroles retenus, les sentiments convenus qui découlent de l’inévitable détachement auquel les parents ont un jour ou l’autre à faire face lorsqu’ils voient partir leur dernier enfant finissent par émousser l’intérêt. Bref, un roman empreint de bons sentiments, porté par un regard juste et sensible, mais exempt d’une tension dramatique qui aurait rendu la finale crédible.