À notre époque d’accélération technologique, d’agitation urbaine et de pénurie de temps, on ne s’étonnera pas que le fameux récit Walden ou la vie dans les bois (1854) d’Henry David Thoreau puisse encore aujourd’hui inspirer des artistes et des écrivains.Au Québec, après la pièce de théâtre Les hivers de grâce de Henry David Thoreau (2014) du dramaturge Denis Lavalou, puis l’album Retour à Walden (2018) du chanteur Richard Séguin, l’écrivain voyageur Thierry Pardo marche à son tour sur les brisées du poète et philosophe américain. « Ce livre, écrit Pardo, arpente modus peregrini l’espace littéraire ouvert par le grand homme et réactualise un siècle et demi plus tard la possibilité de vivre de nouveau […] l’expérience du bois et d’en rendre compte. » Là où Thoreau tenait tête à l’empire industriel de son temps, Pardo met pour sa part au défi notre époque connectée : « […] partir aujourd’hui dans les bois relève du même type de marginalité ». Il s’agit, nous dit-il, d’« un acte de résistance pacifique », mais aussi et surtout, pourrait-on dire, d’un acte de résistance poétique. Car son opuscule se veut avant tout un témoignage sur l’art d’« habiter son instant poétique », un témoignage dans lequel est mis à profit le sens de la formule, de l’aphorisme et du paradoxe pour mieux « célébrer le monde à partir d’un bout de forêt ». Que le lecteur soit donc prévenu, il ne trouvera que peu d’allusions aux exigences d’un quotidien qu’on pourrait s’imaginer ascétique dans ce genre de robinsonnade. En revanche, les réflexions sur notre actuelle relation au monde n’y manquent pas et servent parfois à mettre en exergue ce dont nous prive la vie moderne. « Dans ce monde agité, je pense que le vrai luxe, l’or du siècle, est dans une authentique jouissance du temps, de l’espace et du silence. » Mais plus encore, Pardo s’emploie à apprécier les instants ordinaires, les « moments hors du temps », les scènes et les beautés épiphaniques qu’offre la sylve : « Dans notre bois, la qualité du silence est telle que le moindre bruissement de feuille fait croire à la pluie », que « le crépitement du poêle à bois prend des airs de symphonie ». Sans être ni activiste ni dogmatique, Pardo lie sa démarche exploratoire à la possibilité d’être utile, de contribuer « à rendre le monde légèrement meilleur ». Le lecteur, prévient-il toutefois, ne doit pas y voir une forme de prosélytisme ou de prescription : « Il serait pourtant déplacé de voir dans cette décision un acte politique. […] Je ne recommande à personne de suivre ce chemin ou de hisser cette expérience au titre d’exemple. Si exemplarité il y a, c’est dans l’acte de vivre délibérément une escapade à sa mesure ». À chacun donc d’y trouver son compte, qui l’occasion d’une rêverie, qui d’une sensibilisation environnementale, qui encore d’une source d’inspiration en vue d’un projet conforme à la poursuite d’un idéal.
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