Depuis longtemps, les ateliers d’écriture ont la cote aux États-Unis. Ils s’avèrent souvent le passage obligé pour les auteurs en quête d’une première publication, et la nouvelle y est encore considérée comme l’antichambre du roman. On ne se surprendra donc pas qu’on cherche à illustrer l’amplitude d’une voix, d’un style, la variété des thèmes abordés.
Tel nous paraît être le cas pour ce premier recueil de nouvelles d’Anjali Sachdeva, Tous les noms qu’ils donnaient à Dieu, qui vient de paraître en version française.
Le recueil débute avec une nouvelle, « Le monde la nuit », aux contours fantastiques. Le personnage de Sadia, dont les yeux tressautent lorsqu’elle est anxieuse, effraie les gens qui l’approchent. La nouvelle nous entraîne à sa suite dans une grotte où elle sème des bouts de tissu pour retrouver son chemin. Texte énigmatique, dans lequel s’abolissent les repères spatiotemporels, où le lecteur s’enfonce à son tour. La nouvelle qui suit, « Poumons de verre », nous entraîne en Égypte, dans la vallée des Rois, où un archéologue espère enfin faire la découverte qui le rendra célèbre. Accompagné d’une jeune femme, dont il fait sa collaboratrice, et de son père, physiquement diminué depuis qu’un accident dans une aciérie a détruit ses poumons, ils partent en quête d’un tombeau royal qui rachètera en quelque sorte leur existence.
La nouvelle éponyme met en scène deux jeunes Nigérianes enlevées par le groupe terroriste Boko Haram qui se découvrent des pouvoirs leur permettant d’hypnotiser leurs agresseurs et, de manière générale, les hommes. Métaphore du pouvoir inversé, reposant cette fois entre les mains des femmes qui prennent leur revanche. Dans une autre nouvelle, « Logging Lake », un universitaire se fait virer par sa conjointe sous prétexte qu’il est on ne peut plus prévisible dans tout ce qu’il fait et entreprend. L’ancien Bob et le nouveau Bob, ainsi qu’est prénommé l’universitaire, nous sont dépeints en alternance ; le changement espéré par le principal intéressé lui-même ne produit pas les effets escomptés. On ne change pas sa nature propre comme on change de chemise. Retour à la case départ auprès de celle qui l’a d’abord éconduit. L’auteure brosse ici un portrait caricatural des rencontres entre personnes qui recherchent l’âme sœur sur des sites leur promettant le parfait maillage, avec tous les risques que cela comporte.
Bien écrites, abusant toutefois de métaphores et de finales convenues, voire de bons sentiments, les neuf nouvelles de ce recueil semblent davantage relever d’exercices stylistiques devant conduire, on s’en doute, à l’écriture d’un premier roman.