Un roman écrit en pleine pandémie, dont les personnages sont bien entendu confinés. On fait leur connaissance dans le square qu’ils fréquentaient en début d’éclosion, s’observant les uns les autres, pour les retrouver ensuite un à un chez eux, isolés et même cloîtrés.
Née en France en 1954, l’écrivaine et philosophe Sylvie Germain bâtit depuis 30 ans une œuvre importante où s’entremêlent philosophie, spiritualité et imaginaire. Son dernier roman Brèves de solitude ne raconte pas le confinement, mais plutôt son effet sur le quotidien et le moral d’une dizaine d’hommes et de femmes, de jeunes et de vieux. Tous se promènent dans le même jardin public et leurs regards se croisent le temps d’une pause, d’un arrêt sur image. L’astucieuse autrice fait en sorte que chacun des passants remarque les autres et partage ses observations avec le lecteur. Ainsi se tressent « la valse mélancolique, l’éphémère constellation de vivants », indiquées en quatrième de couverture.
En quelques traits, en quelques pages, l’autrice raconte ces bulles de vie d’où seront peu à peu évacuées toutes relations sociales. Si Joséphine est une vieille grincheuse pour qui « rien, personne ne trouve grâce », Guillaume vit mal la pandémie « arrivée du bout du monde à la vitesse d’une coulée de lave qui s’étale partout en chemin ». Toujours serviable, il aidera Joséphine à compléter son mot croisé. Magali, heureuse d’être en rémission de son cancer, contemple Anaïs avec plaisir, « la jeune personne dont [elle] a admiré le plumage écarlate [et qui] n’est pas un garçon, mais une fille ». Xavier, perdu dans ses pensées, renverra le ballon à la fillette « qui se sauve en serrant son bien contre sa poitrine ».
Dans la deuxième partie du livre, on surprend ces mêmes personnages confinés à la maison. Cependant, leurs noms changent et le lecteur travaille fort pour reconnaître les protagonistes de la première partie, et reprendre le fil du roman. Le gentil écrivain Guillaume, devenu Garou, avoue être en panne d’inspiration : « Ce sont les mots qu’il ne sait pas trouver, les histoires qu’il n’arrive pas à écrire ». La convalescente Magali porte un tee-shirt frappé du joli mot Acanthe et voit dans le miroir ce vocable devenir « Ehtnaca », qu’elle n’apprécie pas : « Le mot à l’envers perd de sa douceur en claquant sur la fin comme un drap dans le vent ». Xavier donne des cours de dessin à sa jeune voisine, qui « l’appelle Monsieur Merlin, comme l’Enchanteur qu’elle a découvert dans un dessin animé ».
Abattu ou résigné, triste ou en colère, chacun attend des jours meilleurs, comme nous le faisons tous, quel que soit notre port d’attache. Brèves de solitude est habilement écrit et les personnages, bien qu’effleurés, demeurent attachants. Manquant peut-être de consistance, le roman n’est sans doute pas le meilleur de Sylvie Germain, qui a été couronnée de plusieurs récompenses littéraires, dont le Femina, le Grand Prix Jean-Giono, le prix Goncourt des lycéens, le prix Jean-Monnet de littérature européenne et le Prix mondial Cino Del Duca pour l’ensemble de son œuvre.