Ce livre fait œuvre de pédagogie : il nous rappelle qu’il est essentiel de connaître les rudiments du droit pour que la discussion démocratique soit moins aveuglée et puisse progresser raisonnablement.
Professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval, Lampron a regroupé dans Maudites chartes !différents articles parus au cours de la dernière décennie. Les thèmes sont variés : gouvernement des juges, régime d’urgence sanitaire, démocratie, droits de la personne, loi 78, loi 62, loi 21, liberté d’expression, laïcité, accommodement religieux, liberté académique, etc. Les textes sont chaque fois réunis selon leur parenté et remis dans leur contexte.
Dès le départ, Lampron souligne l’importance du rôle des chartes en tant que contre-pouvoir. On connaît le mot de lord Acton : « Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument ». Sans contre-pouvoir efficace, les représentants élus pourraient abuser de leur position privilégiée. Le gouvernement des juges a souvent mauvaise presse, mais il faut bien qu’une instance indépendante (au Canada, la plus haute étant la Cour suprême) puisse s’exprimer sur la conformité ou non des lois à l’esprit des chartes, ces textes ayant une « valeur supralégislative ». Il s’agit bien sûr d’éviter qu’une tyrannie de la majorité s’exerce envers une minorité laissée sans défense. Depuis la division tripartite du pouvoir (législatif, exécutif, judiciaire) qui remonte aussi loin que Montesquieu et Locke, il faut que « le pouvoir arrête le pouvoir ».
Un thème s’avère incontournable : celui du port de symboles religieux par des personnes ayant un pouvoir coercitif pendant leurs heures de travail pour l’État. Lampron nous rappelle les quatre grands projets de loi présentés au Québec depuis 2010 (deux par le Parti libéral, un par le Parti Québécois et le dernier en date par la Coalition Avenir Québec). En s’appuyant sur les chartes des droits, l’auteur se range du côté de la critique de la loi 21, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il est en désaccord avec le devoir de réserve des employés des organismes publics, qu’il souhaite que ce soit la charte canadienne qui ait le dernier mot en cette matière – cela signifierait que la charte québécoise des droits est vraiment liberticide – ou qu’il faille accepter n’importe quoi au nom de la liberté de religion.
On ne peut remettre en question cette liberté fondamentale qu’est la liberté de croyance. Cependant, est-ce que la liberté de porter un vêtement affichant cette croyance est, elle, tout aussi fondamentale, se demande l’auteur de cette chronique ? Déterminer si les messages arborés sur les t-shirts (exemple donné par Lampron) expriment des convictions religieuses n’est pas chose simple, c’est vrai. En outre, si un employeur veut en savoir plus, cela pourrait porter atteinte au droit à la vie privée. Que faire alors avec ce type de messages : « Dieu n’existe pas », « Jésus est la voie », « Allah est le seul Dieu », « Ne mangeons pas d’animaux » ? Ne faudrait-il pas, au nom de l’égalité, permettre l’expression de ces convictions profondes, se demande le chroniqueur ? Un certain devoir de réserve demeure légitime d’après Lampron et, en même temps, l’interdiction du port de symboles ne passerait pas l’épreuve du plus haut tribunal. Maudites chartes ! apporte son éclaircissement sur cette question.
Le titre est un brin provocateur. Y a-t-il « assauts » contre les droits et libertés ? Depuis Trump aux États-Unis, depuis les complotistes, depuis la perte de confiance envers les institutions, depuis des appels à peine voilés à la sédition, depuis le désir d’hommes « forts » à la tête de certains États démocratiques, il faut demeurer vigilant.