Ce troisième roman de l’auteure britannique, qui aura mis quatorze ans avant d’être traduit en français, paraît sous un intitulé très différent de ses titres anglais (The Carhullan Army) ou américain (Daughters of the North). Or, le titre français a le mérite de faire la synthèse entre les deux, puisqu’il est largement question de sororité et de guerre dans ce superbe récit.
L’histoire se déroule dans un proche avenir au sein d’une Angleterre meurtrie par une enfilade de calamités : inondations, effondrement des marchés, récession, attentats terroristes… N’y manque qu’une pandémie, mais on ne fera pas grief à la romancière de ne pas avoir prédit en 2007 l’apparition de la COVID-19. Hall montre que la démocratie a été sérieusement mise à mal, car le pouvoir est désormais exercé par « l’Autorité », une entité répressive qui contraint les citoyens à vivre entassés dans les centres urbains et qui impose le diaphragme aux femmes afin de réguler les naissances. La narratrice, qui ne nous sera connue que sous le surnom de « Sœur », décide de quitter la ville de Rith, où elle mène une morne existence d’employée d’usine et d’épouse, pour joindre un clan de femmes vivant en marge de la société à Carhullan, dans le nord du pays. Sous les ordres d’une ancienne militaire appelée Jackie Nixon, cette communauté rassemble des fermières et des guerrières qui se préparent à l’avènement d’une inéluctable révolution. La narratrice devra découvrir si elle possède ce qu’il faut pour participer à l’effort révolutionnaire.
Contre-utopie féministe à ranger parmi les plus belles réussites du genre, Sœurs dans la guerre est aussi un récit habilement construit. Formée non pas de chapitres comme tels mais de « fichiers », dont la « récupération intégrale » ou la « dégradation partielle » prend tout son sens à la fin, l’œuvre échappe aux grands clichés manichéens et ose progresser lentement.