L’histoire traditionnelle est une affaire d’hommes, du moins c’est ce que semblent démontrer les nombreux livres d’histoire politique. Pourtant. En Égypte, en 1238, une femme est devenue pour la première et unique fois « sultane » de ce pays et de la Syrie. C’est le destin exceptionnel de cette femme qui est au cœur de ce roman historique.
Offerte au sultan Al-Salih, l’esclave Chagaratt el-Dorr devient sa concubine puis l’une de ses quatre femmes. Belle, intelligente et douée d’un sens politique hors du commun, elle devient la conseillère de son mari et maître. À la suite du décès d’Al-Salih, elle prend le pouvoir, chasse les Francs d’Égypte, mais est contrainte d’abdiquer au bout de trois mois : les religieux ne peuvent accepter une telle entorse à la loi musulmane. Le Grand Conseil désigne alors l’émir Aybak comme sultan. Aybak est un ami de Chagaratt, et elle l’épouse, retrouvant ainsi son rôle de conseillère. Mais la fin sera tragique… Elle mourra assassinée.
La vie de Chagaratt est contée en alternance par deux personnages de sa cour : Osman, l’eunuque en chef du harem, et Aïcha, sa servante préférée. Osman accompagne les événements et les relations politiques ; Aïcha, les états d’âme et les amours de sa maîtresse. Si cette forme narrative suit les aléas de la fortune de Chagaratt, elle permet aussi de décrire la façon dont les Égyptiens vivaient.
Tout l’univers d’Osman est marqué par sa condition d’eunuque. Comme c’est aussi le cas pour Aïcha, il se rappelle sa vie, tentant de comprendre ce qui l’a mené où il est. Au centre de sa vision du monde, sa condition d’eunuque, qu’il analyse avec finesse, conscient des limites et des avantages de sa situation, conscient aussi que les eunuques forment une caste inférieure de la société, ce que les gens « ordinaires » ne se gênent pas de lui rappeler les rares fois qu’il se promène en ville. Les eunuques, du moins ceux qui en ont les moyens, habitent dans un même quartier formant une zone où ils se sentent protégés. Le roman devient alors une façon de découvrir les conditions de vie à l’époque et la façon dont s’agencent les relations entre les individus.
Aïcha vit dans le harem et n’en sort que très rarement pour accompagner sa maîtresse. Sa vie est heureuse, elle qui a échappé à l’extrême pauvreté de sa famille, et elle sait apprécier les douceurs qui l’entourent. Mais elle tombe amoureuse d’un serviteur, Badr, qui est aussi le protégé d’Osman. Aïcha n’a pas le droit d’avoir des relations avec un homme, ni même de le regarder. Le couple outrepasse les règles de vie du harem et se retrouve la nuit dans une chambrette du palais. Tout va bien jusqu’au jour où ils sont découverts. Badr réussit à fuir sans être reconnu, tandis qu’Aïcha paie de sa vie sa faute.
La sultane dévoilée est donc structuré selon une triple trame qui correspond à chacun des personnages. Un roman bien documenté, écrit d’une plume sûre et qui sait mettre en scène la société de l’époque.