Délicatesse. Douceur. Ces mots viennent à l’esprit quand on lit les poèmes d’Hélène Harbec. Éphémérides de la vie quotidienne, ils posent un regard sur l’accessoire qui, pourtant, caractérise le cheminement d’une vie. Rien d’important ne survient. Tout est dans le détail, dans l’attention portée au lent mouvement de la journée. D’un recueil à l’autre (celui-ci est son sixième), l’auteure explore le sens des petits gestes.
Hélène Harbec note l’instant, en retient l’essentiel et le livre dans une prose lumineuse. Son dernier recueil couvre trois saisons présentées chronologiquement : été, automne et hiver. Presque une année dans la vie calme de la poète. Retraitée, elle se consacre à l’écriture, commentatrice attentive de sa propre vie : « L’absence de désir de raconter une histoire n’empêche pourtant pas de sentir des présences qui avancent comme des personnages. De percevoir aussi ce personnage de soi-même. Des embryons d’histoiresprennent forme comme si on était constamment sur le palier d’un récit. Et que la vie elle-même nous inventait ».
L’univers qu’elle met en scène va de son appartement au café qu’elle fréquente. Un mouvement continu sans aspérités, jamais dénué d’intérêt. Elle est seule, et rares sont les rencontres avec des amis. Même dans le café, elle s’installe dans un coin reculé, toute concentrée sur son carnet : « Je ne cesse d’encercler les mots du carnet jusqu’à ce que plus rien ne puisse se lire. Parfois, c’est par pudeur. Parfois, en raison d’un mot qui sonne faux ou d’une image qui n’est pas née de soi ». Travail patient qui se déroule lentement et qui prend forme dans de courts poèmes en prose.
En quoi sa vie est-elle si unique qu’il faille la conter ? En soi rien ne la distingue. Une femme qui observe les araignées parce qu’il « y aurait pourtant matière à se recueillir devant une araignée persévérante dans son architecture de vie », qui accepte le « hug » de Noël du concierge de son immeuble qui « ne demande jamais rien d’autre. Moi non plus. C’est notre accord tacite du temps des fêtes ». Et qui se préoccupe de son « amie de longue date », « effrayée à l’idée qu’on l’envoie dans un lieu où on la ferait obéir ».
Elle décrit ses actions, toutes simples et usuelles, en se demandant « qui est là pour ces minces affaires ». Toute la beauté des textes est là. On respire avec elle, on regarde les dessins du givre sur la fenêtre, on est ému quand elle évoque ce chat errant qu’elle a eu dans le passé, quand elle écrit : « J’aimerais que la mort me soit donnée. Accordée. Non pas ravie ».
Elle nous invite à l’accompagner, à réfléchir sur la vie, sur notre rapport avec les autres humains, mais aussi avec la nature, les insectes, les animaux. Un travail de pointilliste, finement ciselé. Quand elle se couche, la nuit venue : « Fermer les yeux. Entrer dans la nuit sans connaître le chemin, ni comment on en revient ».
Jusqu’à quand ce « petit art de vivre » pourrait-il se poursuivre ? La question demeure sans réponse, mais peut-être n’en demande-t-elle pas. Harbec saisit l’essence des instants et les inscrit ainsi dans la ligne du temps. Un temps qui ira au-delà d’elle.