Plusieurs, et j’en suis, ne seront pas fâchés que s’arrête ici la trilogie de l’écrivain David Lagercrantz, celui qui a ressuscité Lisbeth Salander et Mikael Blomkvist à la demande des héritiers de Stieg Larsson, le célèbre créateur de Millénium mort en 2004.
Au-delà de la discussion à savoir si oui ou non Lagercrantz a commis un crime impardonnable en continuant l’œuvre d’un auteur décédé, le public et la critique étaient déjà divisés sur les qualités intrinsèques de Millénium 4. Ce qui ne me tue pas et de Millénium 5. La fille qui rendait coup pour coup. Avec raison d’ailleurs, puisque Millénium 6. La fille qui devait mourir manque d’intérêt et surtout de souffle, Lisbeth et Mikael étant devenus l’ombre d’eux-mêmes.
Bien sûr, Lisbeth est toujours obsédée par sa sœur jumelle, la maléfique Camilla, acoquinée à la mafia russe. Bien sûr, Mikael est toujours à la barre du journal Millenium avec sa complice, Erika Berger. Et puis, bien sûr, il y aura des voyages autour du monde, au mont Everest, à Copenhague, à Prague ou encore à Moscou, en passant par Stockholm, le tout fort bien documenté, comme Lagercrantz sait le faire.
Pour pimenter la sauce, le dernier opus de Lagercrantz s’ouvre sur le cadavre mutilé d’un mendiant, qui se révélera être un sherpa autiste, bizarrement mêlé à des scandales politiques suédois. Heureusement pour lui, il se retrouvera sur le chemin – ou mieux sur la table de dissection – d’une belle médecin légiste, sympathique et allumée. « Qu’est-ce qui a bien pu t’arriver, mon ami ? Quel enfer as-tu traversé ? » Pourquoi avait-il sur lui le numéro de téléphone de Blomkvist ? Pourquoi, vivant, mentionnait-il sans arrêt le nom du ministre suédois de la Défense ? Quel était « ce mystérieux lien entre le sherpa et l’armée » ? Qui était-il vraiment ?
Même si Lisbeth se déguise en courant d’air pendant que Mikael se repose sur l’île de Sandhamn, leurs communications ne cesseront pas, s’articulant à distance autour des mystères de l’ADN, des haplogroupes et des marqueurs. Jusqu’à ce que le bien triomphe du mal.
« À partir de maintenant, je serai le chat, pas la souris », avait pourtant affirmé Lisbeth, qui semble désormais tenir un rôle secondaire. Est-ce parce que l’auteur ne les a pas créés lui-même que ses personnages manquent de substance et d’âme ?
Après une dernière scène qui plonge dans le ridicule et une finale qui termine l’histoire sans la terminer, Lagercrantz tient sa promesse et arrête son œuvre, comme s’il n’avait voulu être qu’un miroir déformant celle de Stieg Larsson.