Dans Vivre à la ville en Nouvelle-France André Lachance reprend la « première synthèse » qu’il avait publiée en 1987 sous le titre La vie urbaine en Nouvelle-France. Il dit « compléter » aujourd’hui ses travaux « et aller plus loin dans l’étude des structures sociales et matérielles de la ville […] entre les années 1680 et 1760 ». Grâce à un flot continu de détails concernant le quotidien de l’élite et des gens du commun et par de nombreuses citations de documents d’archives et d’études de collègues historiens, il fait revivre la vie dans « les trois seules villes de la vallée laurentienne sous le Régime français », soit Québec, Trois-Rivières et Montréal.
Précédés d’une introduction et suivis d’un résumé, d’un bilan et d’une bibliographie d’appoint « pour en savoir plus », les six chapitres de l’essai abordent une foule de sujets : de la démographie et de l’aménagement des espaces à la surveillance de l’État et de l’Église en toutes matières, en passant par les relations sociales des citadins, la sécurité civile, l’instruction, la culture, les besoins essentiels (« se nourrir, se loger et se vêtir »), l’emploi du temps… On voit ainsi défiler les différents acteurs de la vie urbaine : officiers civils et militaires, membres du clergé et du gouvernement administratif, gens de métier, marchands, maîtres d’école, responsables du soin des malades, travailleuses… On assiste à la conduite privée et professionnelle des uns et des autres, on découvre leur alimentation, leurs loisirs, leur hygiène, on les suit au marché, à l’auberge ou au cabaret, on constate les lois, édits, ordonnances et mandements qui les régissent…
Une telle reconstitution n’évite pas bien sûr les constats éprouvés : l’emprise de l’Église sur la société, l’importance de l’image du roi dans la population, l’analphabétisme, la qualité de la langue parlée, l’éclosion d’épidémies consécutives à l’arrivée de navires, la présence d’esclaves… Elle fait aussi naturellement état de l’autorité du père de famille, de la hiérarchisation des groupes sociaux, de la fréquente insoumission des citoyens aux interdits, du faste ostentatoire lors de l’accueil d’un nouveau gouverneur… Mais que l’on ne s’y trompe pas : l’essai est à cent coudées des poncifs et dévoile tout particulièrement des faits et pratiques peu connus : la tenue par le clergé, dans chaque paroisse, d’un registre des confessions et communions, l’errance des vaches et des cochons dans les rues, l’absence généralisée de sous-vêtements dans l’habillement masculin et féminin, « l’habitude d’uriner et de déféquer dans un seau ou un pot de chambre au vu et au su de tout le monde », dans les maisons, l’étranglement préalable que l’on accorde au roué pour abréger ses souffrances…
Vivre à la ville en Nouvelle-France offre en somme un portrait fort documenté de la vie urbaine telle que vécue en terre laurentienne à la fin du XVIIe siècle et dans la première moitié du XVIIIe. NB