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Jour : 15 décembre 2019
Du jardin qui parle au chemin de l’école
L’un s’est retiré dans le Sud-Ouest de la France pour cultiver son jardin, activité à laquelle il n’avait jamais cessé d’accorder la plus grande importance, et poursuivre l’écriture de notes de lecture, d’impressions diverses, de poèmes, de textes de fiction, dans lesquels se reflète, avec une rare acuité, sa vision du monde et de la littérature ; l’autre poursuit les réflexions entreprises dans Aimer, enseigner, son précédent essai, et se . . .
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Drame à la ferme
Hymne à la vie en milieu rural, loin des images bucoliques et réconfortantes. Car c’est bien de vie qu’il est question dans ce recueil de nouvelles, de vie et de mort, aussi bien celle qui se déroule au-dehors, comme l’indique le titre, que des drames qui couvent à l’intérieur des personnages.
Le recueil1 s’ouvre sur un échange entre une mère et son fils qui reviennent d’un concours, la finale régionale d’une épreuve de connaissances scolaires à laquelle participe le garçon. Sur la route de retour, alors que défilent les champs qu’il faudra bientôt moissonner tout autour, la mère cherche à comprendre. En l’absence du père, qui avait promis d’être présent, tout s’est écroulé. Le garçon n’arrivait plus à formuler les réponses attendues, sues, mémorisées des jours durant pour être restituées le jour venu. Un drame s’est produit à la ferme, retenant le père, paralysant le fils sur la tribune. L’effort à déployer est soudain trop grand, surhumain, voire inutile parce qu’il a perdu tout son sens. Ce motif reviendra à plusieurs reprises dans le recueil, sous des formes chaque fois différentes, chaque fois suggérées plutôt qu’expliquées, comme le sera la difficulté de communication entre père et fils, entre conjoints et entre membres d’une même fratrie. Les personnages sont le plus souvent emmurés dans leur silence, comme les bêtes dans leur enclos qui ne se laissent pas toujours approcher sans renâcler et piaffer. La dureté et même la cruauté qui émanent par moments de certaines nouvelles ne sont le plus souvent qu’évoquées, jamais jugées. Certains textes ne sont d’ailleurs pas sans rappeler l’univers de Raymond Carver. Dans l’une d’elles, « Pourquoi tout ça ? », une femme prépare le repas du soir au moment où son mari rentre et se sert à boire avant d’entreprendre de lui confier ce qui le bouleverse, une rencontre faite le jour même à la quincaillerie du village. Un ex-détenu revient hanter la mémoire de chacun sans que l’on en apprenne davantage sur les raisons qui l’ont conduit en prison. Une prison en remplace ici une autre, sans barreaux mais tout aussi, voire plus efficace. L’inconfort ressenti par les personnages prend lentement forme tandis que l’eau ruisselle des gouttières en ce début printanier, que l’homme retire ses chaussures et que la femme épluche les pommes de terre, beaucoup plus qu’il n’en faut puisque leurs enfants ne viendront pas souper, comme le lui fait remarquer le mari. Mais il faut bien accomplir le rituel de la préparation du repas, du retour à la maison, meubler l’espace et le temps de ces petits gestes qui rassurent et donnent un sens à nos vies, sinon qu’adviendrait-il ?
Plusieurs nouvelles se font écho et concourent à renforcer l’unité thématique du recueil. Six textes, intercalés dans le recueil, s’intitulent « Portrait I, II, III… », et mettent en scène des lieux, des constructions, des arbres, comme si l’auteure avait souhaité nous rappeler l’importance du cadre dans lequel nos grandes et petites actions trouvent à s’inscrire. Ce qui l’amène, dans le dernier de ces textes qui porte sur un prunier oublié au milieu d’une cour, à écrire qu’« on voudrait pour les hommes une fin semblable à celle des arbres : qu’elle soit ce miracle qui rend plus fécond encore ce qu’il reste de vie, qu’elle permette à chacun de produire, de briller, de se répandre en décuplant ses fruits. Une apothéose ».
Avec une rare justesse d’évocation et une maîtrise du genre dès son premier recueil, Geneviève Boudreau nous rappelle que la vie, au-dehors comme en dedans, est plus grande et plus riche qu’on ne le croit.
1. Geneviève Boudreau, La vie au-dehors, Boréal, Montréal, 2019, 166 p. ; 19,95 $
EXTRAITS
C’est simple, il te faut seulement ne pas trop réfléchir, saisir la hache, la lever très haut, et la gravité fera le reste : elle tombera toute seule, ce n’est pas toi qui trancheras la chair. Il faut tout bonnement te convaincre du caractère inévitable de cette mort. Prendre la hache, l’abattre. Prendre la hache, l’abattre. Tu ne peux pas te défiler.
« La mort t’avait paru facile », p. 21.Il aimerait entendre les bruits du village tout proche, ou ceux des fermes plus près encore, mais la vérité, c’est que le village est fait de silence et que presque toute rumeur s’étouffe avant d’avoir passé le vestibule des maisons.
« Toto », p. 41.Lorsqu’on s’y arrête l’hiver, le village est une bête couchée qui a froid, dont on entend claquer les os, les clous dans les vieilles planches de bois de maisons devenues aveugles et sans lumière. Les bâtisses sont trop proches pour rien dans l’infini des terres.
« Portrait III », p. 78.1. De l’usage de quelques pseudonymes – Présentation du numéro 157
George Sand en France, George Eliot en Angleterre… Nombreuses ont été ces femmes qui ont dû ou qui ont choisi, époque oblige, de publier sous pseudonyme masculin – bien qu’au Québec elles optaient plutôt pour des noms d’emprunt féminins1. C’est ainsi qu’à la demande de son éditeur, Jeanne Loiseau deviendra Daniel Lesueur. Par Alexandra Rivard : portrait d’une remarquable romancière, prolifique chroniqueuse et ardente critique des conditions faites aux femmes de son temps.
Rossel Vien, né Russel Vien, alias Gilles Delaunière, alias Gilles Valais. Originaire de Roberval, il s’établit à Saint-Boniface à la fin des années 1950. Dans « Rossel Vien. Oublié au Québec, méconnu au Manitoba », J. R. Léveillé présente l’un des précurseurs de l’écriture homosexuelle au Québec et tente de percer le mystère entourant l’oubli d’une œuvre que Gérald Godin avait qualifiée de capitale.***
En couverture : l’Américano-Montréalais David Homel que Michèle Bernard a rencontré en entrevue. D’Orages électriques à Portrait d’un homme sur les décombres, parcours de l’écrivain grand voyageur à l’humour mordant.
Collection « Marabout junior » pour l’un, « Marabout mademoiselle » pour l’autre : il fut un temps où s’empilaient dans les chambres des garçons les Bob Morane, dans celles des filles les Sylvie. Alors que le premier se trouvait « En pleine terreur à [la] Manicouagan » ou encore « Isolé dans la jungle birmane2 », la deuxième quittait son métier chéri d’hôtesse de l’air, dès le cinquième titre de la série de 98 romans jeunesse, pour se marier et fonder une famille. Aïe !… (Mais soyons honnêtes, Sylvie connaîtra elle aussi son lot d’aventures et de voyages.) Dans le Québec du tournant des années 1970, les jeunes filles ne sont pas dupes et voient dans cette impossibilité, voire cette interdiction faite aux femmes de concilier travail et famille, quelque coutume barbare de la lointaine Belgique3. Cette entrée en matière pour attirer votre attention sur Les éditions Marabout, Bob Morane et le Québec de Jacques Hellemans, spécialiste de l’histoire du livre et de l’édition. Rémi Ferland s’y est plongé et, refaisant surface, s’est engagé dans une réflexion alternant considérations sur le monde du livre et souvenirs d’un jeune lecteur.
L’année 2020 marquera le 50e anniversaire de l’une des périodes les plus troublantes et troublées de notre histoire. Dans « Fatum », Renaud Longchamps revit un certain jour d’octobre avec les yeux du jeune poète de 17 ans qu’il était alors.
Beaucoup d’histoire littéraire, direz-vous ? Mais aussi plusieurs œuvres jeunes et fortes dans ce numéro d’hiver que nous vous invitons à découvrir. Chères lectrices, chers lecteurs, que ce tournant des années vingt-vingt vous soit des plus aimables.
1. Laure Conan, Fadette, Élèda Gonneville …
2. Paroles tirées de la chanson « L’aventurier » (1982) du groupe français Indochine. L’aventurier en question est Bob Morane.
3. René Philippe, auteur des Sylvie, était Belge tout comme le père de Bob Morane, Henri Vernes.Ian Manook, conteur nomade
Éternel voyageur, fin observateur et écrivain de talent, le Français Patrick Manoukian – connu sous le pseudonyme de Ian Manook – envoûte ses lecteurs avec ses thrillers ethniques, d’heureux mélanges entre le guide de voyage, le suspense et le road trip.
Sa trilogie mongole raconte les péripéties du commissaire Yeruldelgger, un nom aussi imprononçable qu’inoubliable, qui se déroulent entre les bas-fonds d’Oulan-Bator et les steppes arides de l’Asie centrale. Ses dernières histoires font découvrir le Mato Grosso (Brésil), puis la fascinante Islande . . .Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ? Connexion