Juillet 2019
Ce ne sont pas les Îles qui sont immenses ni le golfe autour. Seule l’enfance peut l’être autant.
Absente de mon archipel depuis plusieurs années, j’avais presque oublié cette cohérence de la mer et de la respiration. Comment on peut s’accorder à un paysage ou bien au mouvement de la houle.
C’est une question de vent, de branches comme de longs bras serrant le grès rouge friable. C’est une question de dunes qui s’érodent, de routes effondrées dans la mer, de vagues chargées de frasil. Chaque année, cinquante centimètres de terre s’égrènent, grossissent des fonds sablonneux, ailleurs.
Petite, j’ai rêvé d’un lieu plus radical encore : habiter au large, sur le rocher aux Oiseaux, au milieu d’un cimetière marin. Un roc de quatre hectares aux flancs abrupts, sans arbres ni végétation, sinon un peu d’herbe : un phare, une maison, une petite ferme, les cris des milliers de fous de Bassan, le vide de la mer et du vent. Une échelle de trente mètres de haut reliant les habitations et le quai. Une terre inaccessible, dont l’un des derniers gardiens est mort empoisonné par son puits contaminé. En regardant une maquette du rocher pendant une sortie scolaire au Musée de la Mer, j’ai compris pour la première fois qu’on pouvait vivre dans un vertige. J’avais neuf ans.