Auteur d’une quarantaine de romans et de nombreuses nouvelles, Pierre Véry (1900-1960) commence sa carrière en écrivant deux romans difficilement classables dans la production littéraire française des années 1930. Puis s’étant, par hasard, essayé au roman policier à énigme, il en transgresse les règles pour inventer un nouveau genre, « le roman de mystère ».
Les débuts littéraires ou l’histoire d’un quiproquo
Sa profession de bouquiniste et le côtoiement de prestigieux écrivains, comme André Gide, l’un des clients de sa boutique, vont amener Pierre Véry à entreprendre une carrière littéraire. Les débuts sont modestes. Véry, qui s’est attribué le pseudonyme de Trémeur, puis celui de Simon Périgord, est engagé au Journal littéraire. En 1924, il rédige les résultats d’enquêtes faites « sur les goûts et les tendances de la littérature contemporaine ». Longtemps, Pierre Véry mènera de front une double carrière d’auteur et de journaliste. De 1928 à 1930, il collabore à la Revue européenne, où il brosse le portrait d’écrivains comme Pierre Mac Orlan ou André Salmon et publie des « fantaisies », entre autres Orphée rue Blondel. Véry travaille aussi à Paris-Journal, Marianne, L’intransigeant, à qui il livre des nouvelles originales.
Les travaux de plume journalistique sont d’un intérêt secondaire pour Pierre Véry qui, en 1928, se met vraiment à écrire. Cette année-là, il rédige l’essai autobiographique Léonard ou les délices du bouquiniste, tardivement publié en 1946, et surtout il s’attache à la rédaction de son premier grand texte littéraire. Le manuscrit accepté par les éditions Gallimard, Pont-Égaré paraît en juillet 1929. Le livre, cité dans les sélections pour les Prix Femina et Renaudot, reçoit un accueil favorable de la critique, de nombreux articles lui sont consacrés. André Malraux, dans La Nouvelle Revue française1, encensera ce roman difficilement classable, que Pierre Béarn, poète et ami d’adolescence, qualifie, à juste titre, de féerie paysanne ; mais pour Pierre Véry, Pont-Égaré reste « le livre de l’enfance », qui décrit un milieu rural empreint de magie, de sorcellerie ; une sorte de matière épique fondatrice.
La même année, en 1929, Pierre Véry envoie deux manuscrits aux éditions Gallimard, qui ne les retiendront pas, aux grands regrets de Jean Paulhan. Toutefois, l’année suivante, en 1930, Gallimard édite son deuxième roman : Danse à l’ombre. Ce livre de quatre cents pages, fruit de trois années de travail, semble être pour son auteur, plus encore que Pont-Égaré, une œuvre fondamentale. Il est « le roman de l’adolescence » dont on retrouvera des traces dans tous les écrits postérieurs. Bien que cité pour le Goncourt, le Renaudot et le Prix de la Renaissance, ce livre, apprécié de la critique, ne fut pas couronné.
Pierre Véry devait pourtant obtenir un prix littéraire la même année. Dans l’obligation de trouver de l’argent, et peut-être par « gageure », selon Béarn, Véry décide d’écrire rapidement un roman policier à énigme, dans la plus pure tradition anglaise, Le testament de Basil Crookes, et de le publier sous l’extravagant pseudonyme de Toussaint-Juge, ce qui soulignait, d’après Béarn, « le peu de cas que faisait Véry de cette création policière ».
Ce roman, proche du pastiche du genre et fort différent de la veine policière de Pierre Véry, parut quatre mois avant Danse à l’ombre. Le livre obtint le premier Grand Prix du roman d’aventures, fondé par l’inventeur de la collection « Le Masque », Albert Pigasse ; le jury était composé de Pierre Mac Orlan, Gus Bofa, Francis Carco, Pierre Benoit et Joseph Kessel.
Le double destin de Pierre Véry se nouait : coexistaient un écrivain littéraire reconnu, bien qu’en proie à des difficultés financières, et un auteur paralittéraire jouissant d’une renommée importante. Véry devait choisir. Peut-être avec dépit, il se lança dans cette seconde carrière. Béarn lui en voudra pendant plusieurs années d’avoir choisi la facilité commerciale et trahi l’idéal littéraire de leur jeunesse. Mais s’agit-il véritablement d’une trahison ? Comme l’écrit Maurice Dubourg, « on pouvait déceler déjà dans certains passages de Danse à l’ombre des traces de cette attirance, qui peut paraître soudaine chez cet auteur, pour le policier et qui ne fut pas uniquement alimentaire comme l’a cru Pierre Béarn2 ».
Cela dit, les deux romans suivants ne sont pas encore des romans policiers selon les canons du genre. Les métamorphoses (1931) et Le meneur de jeu (1934) ne rompent pas vraiment, comme c’était le cas pour Le testament de Basil Crookes, avec les deux romans « littéraires » antérieurs. Si, dans Les métamorphoses, la mort de Jean Sucre pose une énigme, le récit est agencé de telle manière que le choix entre crime et suicide demeure indécidable. La présence très diffuse d’un détective protéiforme n’est qu’un prétexte pour décrire la métamorphose d’un être et les réactions fantastiques que ces transformations déclenchent. Les métamorphoses est, en fait, un texte parodique du roman policier, qui n’entretient que de lointains rapports avec ce genre. Quant au Meneur de jeu, il est souvent une amplification de ce qui était déjà annoncé dans Danse à l’ombre.
Ces deux romans, dont Maurice Dubourg a fait l’analyse dans son article « Les premiers romans de Pierre Véry3 », marquent une époque charnière dans la carrière de Véry. L’auteur semble hésiter entre une écriture de récits « littéraires » aux ambiances parfois proches du surréalisme et celle de récits policiers qui ne cessent d’être déviants par rapport au genre. Denis Marion écrit, à propos des Métamorphoses : « Le service que Pierre Mac Orlan a rendu au roman d’aventures, Pierre Véry s’est occupé à le rendre au roman policier. L’un comme l’autre, ils se sont emparés d’une formule dont le succès populaire donnait à entendre qu’elle promettait d’atteindre une poésie ou une vérité d’une efficacité indiscutable4 ». Le meneur de jeu, roman qui séduisit beaucoup l’écrivain Joseph Delteil, est « une sorte de roman policier négatif » comme le soulignera Gus Bofa, lors de la parution du livre en 1934.
Romans de mystère et autres récits
Si la thématique criminelle était déjà en germe dans les premiers livres, c’est en 1934, avec la parution de Clavier universel, Les quatre vipères et Meurtre Quai des Orfèvres que commence véritablement la carrière d’auteur de romans policiers de Pierre Véry.
Pendant dix ans (1934-1944), « le temps des vaches maigres », Pierre Véry sera aux prises avec les difficultés auxquelles conduit le statut d’auteur d’un genre mineur assez méprisé. L’écrivain est amené, pour des raisons économiques et pour des raisons tenant au marché de l’édition, à fournir en très peu de temps une énorme production. De 1934 à 1938, il composera quatorze romans. Il dut, notamment, signer avec son éditeur Gallimard une série dénombrée de romans policiers. Il faut noter, comme le remarque Jacques Baudou dans son article « Pierre Véry, l’enchanteur assassin »5, que, dans ces années-là, se mettent en place chez Gallimard et ailleurs des collections spécialisées réservées aux auteurs policiers français dont Pierre Véry fait partie. Les conditions de la production influenceront l’écriture de Véry6. En 1934, il crée un personnage de détective, Prosper Lepicq, qui fait écho au Maigret de Georges Simenon ou au M. Gilles de Jacques Decrest. Lepicq sera le héros de plusieurs autres romans et nouvelles jusqu’en 1937. Toujours pendant cette période, Pierre Véry, pour des « raisons alimentaires », rédige dans divers journaux des nouvelles et des feuilletons. Ces récits, souvent remaniés, seront publiés comme romans ; parfois une nouvelle sera insérée dans un roman pour le grossir ou, à l’inverse, une partie de roman sera isolée pour devenir une nouvelle indépendante. Paradoxalement, cette partie de l’œuvre de Véry, où il semble qu’il ait dû sacrifier aux goûts de l’époque, aux diktats des éditeurs, à la pression économique, est celle où cet auteur a certainement écrit ses meilleurs romans.
Pendant cette période, nombreux sont les écrivains qui publient des nouvelles et des romans policiers dans les journaux et dans des collections policières fondées, pour remédier à des problèmes financiers, par des éditeurs dont ce n’était pas la vocation première. C’est le cas, par exemple, de la collection « Le Roman policier moderne » chez Émile-Paul frères. Pour autant, les auteurs contraints de s’inscrire dans un genre ne renient pas forcément leur écriture, il la modifie et l’adapte. Ainsi Emmanuel Bove, à qui a été confiée la direction de la collection policière d’Émile-Paul frères, livre en 1933 deux romans policiers, Le meurtre de Suzy Pommier et La toque de Breitschwanz. Mais dès 1927, à propos d’Armand, roman que Bove lui-même qualifiait de « trop littéraire7 », André Berge avait écrit : « La description est si méticuleuse que l’on s’étonne de ne pas la voir servir à l’explication d’une énigme policière. Bove est un excellent détective inemployé8 ». L’existence d’une frontière étanche entre littérature et paralittérature relève parfois d’une politique éditoriale soucieuse d’enfermer les genres dans des collections. Mais cette frontière n’est certainement pas aussi hermétique pour des auteurs comme Emmanuel Bove et Pierre Véry dans leur approche de l’écriture.
Après 1944, année de la sortie des Anciens de Saint-Loup, Pierre Véry renouera par deux fois avec le genre policier, en 1948 avec Le costume des dimanches, et l’année suivante avec Goupi Mains-Rouges à Paris. De 1945 à sa mort, l’auteur publia des œuvres appartenant à divers registres. Des romans de science-fiction : Le pays sans étoiles (1945), Tout doit disparaître le 5 mai (1961) ; des romans médicaux : Un grand patron (1951), Le guérisseur (1954) ; des romans pour la jeunesse : Les héritiers d’avril (1960), Signé Alouette (1960) ; un essai : Léonard ou les délices du bouquiniste (1946) et trois autres livres aux sujets différents : Au royaume des feignants (1946), sorte d’utopie rêvée par l’auteur dans sa jeunesse (le début de la rédaction remonte à 1920 sous le titre La cité des podagres), un roman à résonance autobiographique, La route de Zanzibar (1949) et un récit de politique-fiction, La révolte des pères Noël (1959).
Si Pierre Véry s’est dispersé dans différents genres, il n’en reste pas moins que l’essentiel de son œuvre appartient à la veine policière. Il a donc été retenu avant tout comme un auteur de romans policiers même si parfois il s’est plaint, à juste titre, d’être prisonnier de cette étiquette : « Je ne pourrai plus, aujourd’hui, écrire quoi que ce soit, fût-ce un sonnet, sans qu’on l’affuble de ce vocable de policier9 ».
« Fusionner l’idée policière et l’idée poétique »
Les rapports qu’entretient Pierre Véry avec le roman policier sont fort complexes. En écrivant Le testament de Basil Crookes, Véry – c’est ce que lui reprocha Pierre Béarn – avait trahi l’idéal littéraire de leur jeunesse et sacrifié aux besognes alimentaires. Pourtant, l’écriture de romans policiers résulte d’un glissement progressif de « l’œuvre littéraire » vers autre chose qui n’est pas véritablement le genre policier. Pierre Véry, ne voulant pas être confondu avec les auteurs policiers classiques, affirmera écrire non pas des livres policiers mais des « romans de mystère », ce qui souligne la volonté de se démarquer d’un genre qu’il rejette parfois. Véry semble souffrir d’un complexe qu’on pourrait définir comme celui de « l’écrivain paralittéraire ».
Il affirme nettement ses préférences pour ses premiers romans « littéraires », Pont-Égaré et Danse à l’ombre, s’excuse de s’être commis à écrire de la « sous-littérature », multiplie les déclarations où il avoue ne pas être un lecteur de romans policiers. Autant de signes qui incitent à croire qu’il dénigre cette production. Cependant, la condamnation de ses propres écrits ne pouvant aboutir qu’à une impasse, Pierre Véry simultanément – c’est la seconde phase du « complexe » – se pose en rénovateur du genre, ce qu’il est vraiment. Il parle alors de son œuvre, des procédés d’écriture qu’il utilise. Il définit ses romans policiers comme les prétextes à une étude sur des personnages et des milieux donnés, l’énigme et l’enquête étant reléguées au second plan. Il écrit à Pierre Béarn : « Mon rêve est de rénover la littérature policière en la rendant poétique et humoristique, d’où ma décision d’écrire une série de romans de mystère, une quarantaine, dans la ligne du chef-d’œuvre de Chesterton Le nommé Jeudi, avec des personnages qui ne sont plus des pantins au service d’une énigme à résoudre mais des êtres humains en lutte vers leur vérité ».
La lecture de l’œuvre de Pierre Véry confirme cette option prise par l’auteur. Le costume des dimanches, ne serait-ce que par la connotation du titre, sera l’hommage qu’il rendra plus tard à Gilbert Keith Chesterton. Jacques Baudou10 révèle qu’après l’échec relatif de ses premiers romans et l’audience énorme que va lui procurer le succès du Testament de Basil Crookes, Pierre Véry trouvera dans le roman policier le moyen de faire passer sa conception de la littérature. « J’écris une sorte de roman fleuve policier que je verrais assez bien sous les couleurs de mille et une nuits policières. C’est assez dire que le merveilleux, loin d’en être exclu, y occuperait une place d’honneur. Je voudrais que mes romans policiers soient des contes de fées pour grandes personnes. »
Pierre Véry perpétue l’idée que le roman policier est un jeu entre l’auteur et le lecteur. En 1934, il déclare à Marius Richard, critique au journal La Liberté, à propos de ses livres : « Je m’efforce d’y introduire le plus de fantaisie possible, contrairement à Simenon qui, lui, plaque un roman réaliste sur une aventure policière Pour moi le roman policier est le frère du conte de fées ». Véry donne parfois à penser qu’il est un écrivain travaillant en dilettante ; il confie à André Franck : « Voulez-vous que je vous dise comment j’invente mes histoires ? Je m’efforce de retrouver les procédés d’invention qui étaient les miens à douze ans ; hélas ! J’ai été pourri par le temps, c’est un peu plus concerté ». En réalité, son écriture s’appuie sur de minutieuses enquêtes de documentation. Avant de rédiger Le réglo, il visite le pavillon des Poids et Mesures de Sèvres et l’horloge parlante de l’Observatoire. Il fréquente les magasins de pompes funèbres et suit des enterrements pour écrire M. Marcel des pompes funèbres.
En bout de ligne, l’objectif visé par Pierre Véry de renouveler le roman policier en faisant fusionner « idée policière et idée poétique » aura été atteint. L’auteur rend autonome le roman policier français tout en acceptant la discipline du roman classique anglo-saxon. Son œuvre est très représentative d’un courant littéraire où vont s’illustrer, dans les années 1935 à 1955, des romanciers comme Claude Aveline, Georges Simenon, Stanislas André Steeman. Pierre Véry est reconnu par ses pairs, autant aux États-Unis qu’en France, comme un des écrivains qui renouvellent le genre.
Pensant le roman à énigmes épuisé, Pierre Véry est parvenu à une certaine célébrité dans le milieu du cinéma. Une partie de son œuvre littéraire est reconnue grâce aux remarquables adaptations cinématographiques de plusieurs de ses romans, Les Disparus de Saint-Agil, L’Assassinat du Père Noël par Christian-Jaque en 1938 et 1941, Goupi Mains-Rouges par Jacques Becker en 1942. L’écrivain voudra « se détacher du genre qui est à l’origine de ses succès » et s’essaiera à d’autres genres littéraires. Nouveau reniement du roman policier – défini comme un compromis, « et le compromis est la chose la plus détestable du monde11 » – qui le conduit à déclarer, en 1951, vouloir abandonner le roman policier pour « entrer en littérature ». Intérêt et haine, les deux sentiments cohabitent dans le rapport qui unit Véry au roman policier, ce qui fait sans doute l’originalité de l’œuvre.
L’œuvre de Pierre Véry est paradoxale. Elle glisse vers le mystère quand elle se veut « littéraire », a contrario les récits policiers prennent vite « le maquis du merveilleux ». Le roman policier d’avant-guerre a offert à l’auteur un cadre où son imagination a pu s’épanouir, ce que ne pourra lui donner le roman noir, genre qu’il n’apprécie guère : « Les héros modernes ne sont pas de bonnes compagnies12 ».
Pierre Véry a renouvelé un genre mécanique et stéréotypé en ouvrant une porte sur le merveilleux. Il a laissé une œuvre importante dans l’histoire de la littérature, même si elle n’est pas celle qu’il aurait voulu lui-même confier à la postérité. Aujourd’hui l’œuvre littéraire est un peu oubliée, car Pierre Véry s’est tourné dès 1938 vers le cinéma où il fit une brillante carrière de scénariste et de dialoguiste, puis vers la radio où il produisit plusieurs séries d’émissions à succès. Or, comme le souligne Eric Dussert13 : « On sait combien en France on aime les mono-activistes aisément étiquetables. Dans le cas de Pierre Véry, radio et cinéma sont les médias qui ont brouillé les cartes, l’emmitouflant d’un oubli paradoxal […] Pierre Véry apparaîtra sans doute un jour dans la catégorie encore mal étudiée des aventuriers de la poétique de son temps ».
1. Cf. Jacques Baudou, Les intégrales Pierre Véry, tome I, coll. « Les Intégrales du Masque », Librairie des Champs-Elysées, 1992, p. 16-17.
2. Maurice Dubourg, Europe, avril 1982.
3. Maurice Dubourg, Les Cahiers de Jean Ray, n° 9, 1981.
4. Denis Marion, La Nouvelle Revue française, 1er décembre 1931.
5. Jacques Baudou, Europe, avril 1982.
6. Jacques Baudou, Les intégrales Pierre Véry, tome II, coll. « Les Intégrales du Masque », Librairie des Champs-Elysées, 1994, p. 8-9.
7. Cité par François Ouellet dans son essai : D’un dieu l’autre, L’ altérité subjective d’Emmanuel Bove, Nota bene, 1998, p. 64.
8. Cité par Jean-Luc Bitton dans son ouvrage : Emmanuel Bove la vie comme une ombre, Le Castor Astral, 1994, p.178-179.
9. Interview de Pierre Véry par Pierre Berger, Les Nouvelles littéraires, 1946.
10. Jacques Baudou, Europe, avril 1982.
11. Interview de Pierre Véry par Pierre Berger, Les Nouvelles littéraires, 1946.
12. Pierre Véry, Arts, 18 avril 1956.
13. Eric Dussert, « La magie de Pierre Véry », Le Matricule des Anges, n° 47, 15 octobre-15 novembre 2003.
Œuvres de Pierre Véry :
Pont-Égaré, Gallimard, 1929 ; Le testament de Basil Crookes, Librairie des Champs-Elysées, 1929 ; Danse à l’ombre, Gallimard, 1930 ; Les métamorphoses, Gallimard, 1931 ; Clavier universel, Gallimard, 1933 ; Le meneur de jeu, Gallimard, 1934 ; Meurtre Quai des Orfèvres, Gallimard, 1934 ; Monsieur Marcel des pompes funèbres, Gallimard, 1934 ; L’assassinat du père Noël, Gallimard, 1934 ; Les quatre vipères, Librairie des Champs-Elysées, 1934 ; Le réglo, Gallimard, 1935 ; Les disparus de Saint-Agil, Gallimard, 1935 ; Le gentleman des antipodes, Gallimard, 1936 ; Les trois Claude, Gallimard, 1936 ; Le thé des vieilles dames, Gallimard, 1937 ; Goupi Mains-Rouges, Gallimard, 1937 ; Mam’zelle Bécot, Gallimard, 1937 ; Monsieur Malbrough est mort, Gallimard, 1937 ; Série de sept, Gallimard, 1938 ; Madame et le mort, Gallimard, 1940 ; Mort depuis cent mille ans, Gallimard, 1941 ; L’assassin a peur la nuit, Fayard, 1942 ; L’inconnue du terrain vague, Fayard, 1943 ; Histoire de brigands, A. Maréchal, 1943 ; Les anciens de Saint-Loup, Fayard, 1944 ; Le pays sans étoiles, A. Maréchal, 1945 ; Au royaume des feignants, Le Bateau Ivre, 1946 ; Léonard ou les délices du bouquiniste, A. Maréchal, 1946 ; Le costume des dimanches, Fayard, 1948 ; Goupi Mains-Rouges à Paris, Flore, 1949 ; La route de Zanzibar, La Table ronde, 1949 ; Un grand patron, Julliard, 1951 ; Le guérisseur, Julliard, 1954 ; La révolte des pères Noël, Julliard, 1959 ; Signé Alouette, Hachette, 1960 ; Les héritiers d’Avril, Hachette, 1960.
EXTRAITS
Dans le cadre étroit des villages se nouent et se développent lentement des intrigues longues comme le serpent de mer. Une âme de Mathusalem méticuleux anime chacun de ces rustres qui poursuivent, à travers mille incidents le plus souvent grotesques, mais quelquefois tragiques, la réalisation de plans à lointaine échéance. Seule, la mesquinerie de leurs desseins peut égaler la ténacité qu’ils apportent à monter leurs batteries dérisoires.
Pont-Égaré, Gallimard, 1929, p. 44.
Le soir, dans le Vieux Port, il vit, près d’un beau restaurant, un vieux mendiant qui mangeait des huîtres. Il était assis sur le rebord du trottoir, près d’une poubelle. Il prenait les huîtres dans la poubelle. Les clients le regardaient faire et ils riaient. Eux aussi, ils mangeaient des huîtres. La différence, c’est qu’eux, ils mangeaient les vraies huîtres, tandis que lui, il ne mangeait que la coquille du dessus : les petits bouts d’huître qui y étaient restés accrochés quand on les avait ouvertes.
La route de Zanzibar, La Table ronde, 1949, p. 120.