Si les bibliothèques scolaires n’ont jamais été particulièrement gâtées par les responsables du financement et de l’organisation de notre système éducatif, il semble que la situation se détériore, peu de propositions d’amélioration de ce côté-là recevant l’aval des décideurs. D’autres besoins, mieux défendus sans doute, semblent toujours avoir la priorité sur l’instrument de formation par excellence que sont le livre et le magazine et sur le recrutement de personnel spécialisé pour en assurer la meilleure utilisation. Ici bien des intervenants diront, sans avoir à l’appeler par son nom, que le dit instrument essentiel n’est plus le livre. Modernité oblige, et engouement, on ne jure plus que par l’Internet, un instrument fabuleux, tous l’admettent. Mais se rend-on compte que, une fois le débroussaillage des sources achevé avec l’aide de la machine, il faudra, pour extraire les connaissances débusquées, avoir recours aux textes qui les supportent… ce qui requiert des habitudes de lecture bien ancrées. Confondre, quand il est question de formation de l’esprit, le rôle d’un instrument de communication, même extraordinaire, et celui de l’outil le plus efficace que l’homme se soit donné pour accéder au cSur de la connaissance est une erreur d’appréciation de taille… et de conséquence. C’est un peu comme mettre sur le même pied les connaissances encyclopédiques, même si elles sont sans limites, et l’expérience vécue en profondeur de la complexité de la vie humaine transmise par les grandes Suvres de la pensée et de l’art à travers les livres.
Donc, pour les gens de réflexion et de culture, la cause est entendue, les bibliothèques scolaires sont essentielles à la formation des jeunes, puisque c’est dès le très jeune âge que l’intérêt s’éveille. Mme Lucie Gobeil, qui dirige le Centre régional de services aux bibliothèques publiques de la Capitale -Nationale et de la Chaudière-Appalaches, nous disait récemment que, lorsque la volonté de créer une bibliothèque, autant publique que scolaire, existe, on arrive toujours à mettre le projet sur pied : il suffit de le vouloir. Alors, comment se fait-il que le mouvement piétine ? Indifférence des parents, qui se sentent souvent incompétents dans le domaine scolaire, résistances du corps enseignant, débordé et qu’on a convaincu de la supériorité écrasante des machines (qui sont pourtant sous-utilisées la plupart du temps) et à qui on refuse le support nécessaire des spécialistes en documentation et en bibliothéconomie, voilà des éléments qui expliquent en partie la situation. S’y ajoutent l’état attristant des quelques bibliothèques scolaires existantes et l’absence de soutien du ministère de l’Éducation dont les politiques de lecture d’alphabétisation à l’école sont loin d’être suffisantes. Et la campagne lancée récemment par la Coalition en faveur des bibliothèques scolaires peut-elle faire bouger les choses sans une volonté politique ferme de tout mettre en Suvre à tous les niveaux pour que les résistances tombent et que les ressources qui existent soient soutenues dans leur action. L’expertise ne manque pas et ne demande qu’à s’exercer. Les Centres régionaux de services aux bibliothèques publiques desservent actuellement près de 800 municipalités dans 15 régions au Québec. Dans les régions de la Capitale-Nationale et de la Chaudière-Appalaches, le Centre régional travaille auprès de 132 bibliothèques publiques, mais ne couvre encore que 70% du territoire ! Ce travail atteint très peu la population scolaire par ailleurs, alors que l’organisme met ses ressources à la disposition de celle-ci ; l’expérience acquise rendrait pourtant l’implantation facile et assurerait son efficacité. Le Centre propose en effet des collections de base variées, renouvelées régulièrement et toutes les données de catalogage s’y référant.
À l’évidence, pour secouer le marasme actuel, la volonté politique doit s’exprimer au niveau décisionnel le plus élevé. Le ministère de l’Éducation se doit de reconnaître sa responsabilité dans le domaine et le danger de compromettre l’avenir de l’éducation au Québec en laissant l’analphabétisme gagner tous les secteurs de l’enseignement primaire et secondaire. Il faut motiver l’école en son entier à la culture du livre, la plus libre qui soit… et toujours accessible aux moins nantis.
Comme le soulignait Mme Gobeil, ce sont les enfants qui gagneront cette cause… si on les met en situation de vivre des expériences de lecture conséquentes et exaltantes. L’enfant que l’on voit un livre à la main ne sera plus jamais seul dans l’existence.
Signalons que Mme Gobeil, responsable du Centre régional de la Capitale-Nationale et de la Chaudière-Appalaches de services aux bibliothèques publiques, travaille en ce moment en collaboration avec une commission scolaire du territoire à un projet d’alphabétisation, qu’on ne peut que juger essentiel devant les progrès effarants de l’analphabétisme au Québec. NB