Du 27 au 30 octobre 2021, artistes, diffuseurs, maisons de production et organismes subventionnaires se réunissaient pour mettre à nu cet ensemble hétéroclite et multidisciplinaire que constituent les arts littéraires. Ces Troisièmes rencontres Arts littéraires, comme leur nom l’indique, répondaient à deux autres rassemblements ayant eu lieu en 2019 et en 2020 grâce auxquels la définition des arts littéraires n’est plus à faire. Ces derniers connaissent désormais une expansion pluridisciplinaire riche qui a permis l’organisation du tout premier Festival des arts littéraires de l’Outaouais en même temps que les Troisièmes rencontres. La fin du mois d’octobre a été l’occasion d’une représentation concrète des diverses pratiques avec des performances et des expositions quotidiennes qui ont pu tracer un lien entre le milieu artistique et son public.
Ainsi, dès le premier jour, la sortie de laboratoire de Faunes, un projet de Christian Quesnel et Mishka Lavigne, décloisonnait le travail artistique. C’est que les arts littéraires s’emploient souvent à briser les rapports traditionnels entre une œuvre et son destinataire. Cet aveu des paliers intermédiaires propose de voir la création comme un processus sur lequel on peut ouvrir une fenêtre à différents moments, plutôt que comme une magie secrète de laquelle découlerait nécessairement un produit fini et figé. Après son spectacle La ruée vers l’autre, la conteuse Mafane affirmait que sa performance se transformait d’une itération à l’autre, dans un mouvement de va-et-vient avec son auditoire, contrairement au livre ou à la baladodiffusion des mêmes contes qui proposent des expériences différentes, adaptées aux contraintes et aux possibilités de leurs médiums respectifs. En personne, c’est d’abord la maîtrise des silences qui frappe chez Mafane, ainsi que le rythme de ses gestes capables de compléter les paroles qu’elle laisse en suspens.
L’expérience sonore occupe en effet une grande place dans les arts littéraires. Les deux spectacles du vendredi, bien que très différents dans leurs structures, leurs thèmes et leurs ambiances, reposent en très grande partie (voire entièrement) sur une composition de bruits, de musiques et de voix. Prendre pays, une baladodiffusion qui explore l’exil, le retour, et les multiples rapports possibles avec le territoire, prenait la forme d’une boîte vocale qui égrène ses messages comme autant de déclarations d’amour au pays qui nous habite. Juste après la diffusion du balado, Annie Lafleur transformait complètement l’espace avec sa performance, Cigüe. À sa voix capable de retenir l’attention entre les griffes de chaque mot s’est mêlée la musique de thisquietarmy et ses vibrations entêtantes. L’œuvre, ici inspirée d’un recueil de poésie d’Annie Lafleur, a fait la démonstration des innovations possibles quand la littérature se libère de son habit de papier.
Le dernier spectacle du Festival, D’ici et d’ailleurs, s’est rapproché du public, non en tant que masse spectatrice, mais en tant que collectivité, invitant chacun et chacune à participer par la danse et le chant. La démarche de Gabriel Osson a pu rappeler celle de plusieurs chanteurs, chanteuses et groupes de musique, si ce n’est que son œuvre reposait d’abord sur la poésie, avant d’intégrer la musique et les images. Encore une fois, la manifestation artistique s’est appuyée sur la création d’une ambiance, comme pour constituer une œuvre à taille humaine, dans l’objectif avoué de rendre la poésie plus accessible.
La lecture, son immobilité silencieuse, ne semble plus que la lointaine parente de la multiplicité d’expériences sonores, visuelles ou kinesthésiques des arts littéraires. Toutes leurs possibilités n’ont pas pu être contenues dans les locaux des Troisièmes rencontres et l’œuvre d’Antoine Côté-Legault et de Michel Laforge, Histoire en flammes, a conquis le centre-ville, incitant à la sortie et au mouvement. Au carrefour du balado, du récit historique et de la marche guidée, Histoire en flammes invitait son public à se déplacer entre les bâtiments historiques du Vieux-Hull, tout en habillant le décor d’une ambiance sonore destinée à favoriser une pleine immersion dans le récit des incendies du passé.
Loin d’être un événement distinct, le Festival a cohabité avec les Troisièmes rencontres de manière à nouer solidement la théorie et la pratique. Les discussions se sont donc interrompues momentanément pour favoriser la participation de chacun(e) à Particules, une activité artistique virtuelle collaborative. Une dernière œuvre, Chœurs, était exposée dans le foyer menant à la salle de rencontre, de sorte que chaque débat, chaque conférence, chaque dialogue était précédé par le passage de toutes et tous au cœur de l’installation sonore et visuelle.
Par son omniprésence et sa grande diversité, le Festival des arts littéraires a donné le ton à cette troisième édition d’un rassemblement devenu nécessaire à la coordination et à la structuration du milieu, en plus de favoriser un réseautage précieux dans le cadre de pratiques pluridisciplinaires. Témoignage d’une volonté de tisser des alliances et de forger de nouvelles expertises, les Troisièmes rencontres Arts littéraires ont été bonifiées par la présence d’un public curieux, avide de découvertes nouvelles. Le jumelage de l’événement à la diffusion d’œuvres peut certainement être compté comme un bon coup, et peut-être le début d’une tradition qui continuera de solidifier la présence des arts littéraires dans l’Outaouais.