En plus de satisfaire aux exigences de son titre1, la réédition du bouquin de Robin Philpot reprend et complète un certain nombre d’analyses situées à la périphérie immédiate du débat.
L’auteur, en effet, ne se borne pas à consolider les observations recueillies une décennie après le second référendum québécois, il les féconde en projetant sur elles des données soit apparemment détachées du thème, soit surgies plusieurs années après. Sur les deux fronts, le gain est appréciable.
Que le référendum de 1995 ait été volé, seuls refusent de le confesser ceux qui ont participé à l’opération ou qui font reposer leur dénégation sur le caractère sacré de leur thèse. À ceux-là, il suffit de dire « nous étions en guerre » pour que soit du coup excusable et même louable le contournement méprisant de la législation québécoise en matière de référendums. Du fait de cette absolution autoproclamée, tout se trouve légitimé, depuis la création de milliers de citoyens instantanés jusqu’au financement de ce que Philpot dénomme « le mal nommé love in » en passant par l’ardente politisation de Patrimoine canadien par Sheila Copps et le scandale des commandites. Interrogé par Philpot, le Directeur général des élections du Québec, Pierre-F. Côté, confesse son impuissance et décrit le Canada comme un pays de demi-droit.
Cette minutieuse et fervente reconstitution du second référendum se double, sous la plume de Philpot, du regret par rapport aux erreurs commises par la suite par le Parti québécois. La victoire du clan fédéral avait été si mince, de laisser entendre l’auteur, qu’il aurait suffi d’un minime entêtement pour que triomphe l’indépendantisme. Moins cohérent que Jacques Parizeau, Lucien Bouchard bifurqua vers la quête de l’équilibre financier et ne termina pas le combat. L’impression que communique l’auteur aurait paru étonnante à l’époque, mais le passage des ans la rend au moins plausible. Ce regard sur l’après-référendum fait entrevoir un référendum abandonné à côté de celui qui fut volé.
Presque seul (avec Jean Cimon) à rendre justice à la grande Jane Jacobs, Philpot le fait avec intelligence. Celle qui publia plusieurs des textes les plus marquants de l’urbanisme moderne fit de l’indépendance du Québec le seul remède à la satellisation de Montréal par rapport à Toronto ; elle défendit cette thèse jusqu’aux derniers moments de sa carrière. Peiné et choqué, Philpot constate que divers intérêts ont veillé depuis lors à réduire l’auditoire de The Question of Separatism. À tel point que bon nombre de bibliographies de Jane Jacobs ne comptent que six titres au lieu de sept…
Plaideur documenté et convaincu, Robin Philpot semble côtoyer parfois la dispersion ; peut-être est-il tout simplement minutieux.
* Clin d’œil d’André-Philippe Côté au love in du 27 octobre 1995 à Montréal
1. Robin Philpot, Le référendum volé, 20 ans plus tard, Baraka, Montréal, 2015, 270 p. ; 19,95 $.
1. Présentation : un peuple et son rêve
2. Andrée Ferretti : une voix dérangeante et nécessaire
3. Biographie exemplaire : Parizeau et la construction du Québec
4. Monsieur Parizeau de Victor-Lévy Beaulieu
5. Le Bloc et le PQ : partis frères et/ou rivaux
6. Années de ferveur, 1987-1995 d’Éric Bédard
7. Chroniques référendaires : Les leçons du référendum de 1980 et 1995
9. Octobre 1995 : Tous les espoirs, tous les chagrins de Jean-François Lisée