Une relation amoureuse triangulaire, un pays exploité outrageusement par des étrangers et ravagé par la guerre.
Le premier roman de Michelle Deshaies, XieXie, manœuvre entre romantisme et aventure. Raymond dirige une importante compagnie minière anglaise à Guilin, en Chine. Nous sommes en 1934. Parmi ses domestiques, XieXie est sa cuisinière et sa maîtresse. Sa femme, Rose, vient le rejoindre. Ces derniers semblent unis par un mariage de convention, plutôt que d’amour ; ils se connaissent peu et n’ont guère vécu ensemble. Rose, qui a déjà eu une relation sensuelle avec une femme, tombe amoureuse de XieXie. Les deux deviennent amantes, ce qui paraît convenir à Raymond. La relation triangulaire fonctionne harmonieusement ; Rose fait des fausses couches, mais XieXie tombe enceinte de Raymond. Tout semble parfait : le climat, les délicieux mets préparés par XieXie, l’aisance financière, la délicatesse des sentiments et les plaisirs amoureux.
Cet univers paradisiaque va s’écrouler dans la deuxième partie, qui se passe en 1937 : les communistes de Mao Zedong ont l’intention de renverser le régime des nationaux de Tchan Kaï-chek tandis que les Japonais envahissent la Chine. Les communistes et les Japonais veulent chasser les compagnies étrangères qui abusent de leur situation. Le choc est inévitable et le paradis du trio s’écroule. Raymond et Rose fuient en catastrophe, abandonnant malgré eux XieXie et l’enfant qu’elle porte. Plus maladroit qu’heureux, un épilogue d’une quinzaine de pages qui se déroule en 1960 viendra clore le roman.
Animé par de nombreux dialogues, le roman se déroule à vive allure. La relation entre XieXie et Rose devient rapidement le sujet principal du roman jusqu’à ce que la pression de la guerre s’exerce sur leur univers. Cette relation donne sa saveur au roman. Les personnages sont beaux, leurs relations sensuelles sont rendues avec finesse et délicatesse. Lentement, elles se découvrent l’une l’autre, passant outre les barrières de la langue (évidemment, c’est XieXie qui apprend la langue de Rose) et des traditions (là, c’est Rose qui se laisse charmer par la Chine).
Une des difficultés de l’écriture était d’intégrer les faits historiques à la trame romanesque, ce que Deshaies résout partiellement. À trois reprises, elle nous offre des cours d’histoire qui, pour être riches d’informations et intéressants en eux-mêmes, se plaquent sur le récit plutôt que de naître de lui.
À cela s’ajoute le problème de la grossesse de XieXie. En 1934, Rose lui dit : « Tu portes notre enfant, celui de Raymond et le mien aussi par affection et par alliance ». En 1937, la narratrice affirme : « Personne ne voudrait plus la prendre pour épouse alors qu’elle avait été déflorée par on sait bien qui, et qu’elle était enceinte ». Elle accouchera d’ailleurs peu de temps après. Incongruence qu’il aurait été facile de résoudre. De même, à quelques reprises, l’auteure passe du présent au passé comme temps de base dans un même passage.
Mais ces failles ne nuisent guère à la lecture. Le rythme est vif, le milieu social et culturel bien campé, les dialogues bien menés et, surtout, on se prend d’affection pour XieXie, beau personnage dont le nom signifie « merci » ou « reconnaissance ». Et plus que la relation entre Rose et elle, c’est son destin tragique qui donne sa force et sa pertinence à ce roman.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...
DERNIERS ARTICLES
Loading...