Récit journalistique ou journal intime ? Les textes de l’autrice, publiés sur son microblogue pendant l’épidémie de Wuhan, étaient lus soir après soir par des millions de personnes. Réunis en un livre, ils racontent comment les habitants de la capitale du Hubei ont fait face à la COVID-19.Wang Fang, surnommée Fang Fang, née en 1955, est une autrice reconnue qui a écrit plus de 80 romans et essais. Membre active de l’Association des écrivains du Hubei, dont elle a déjà été présidente, elle n’a rien d’une dissidente. Elle a tenu un microblogue sur le réseau social Weibo pendant les 76 jours du confinement de la ville, du 23 janvier au 8 avril 2020. Le regroupement de ses chroniques dans Wuhan, ville close est un compte-rendu des difficultés vécues de l’intérieur par une recluse ordinaire.Si Fang Fang ne critique jamais le régime, elle se permet d’en souligner les travers : « La lenteur des fonctionnaires de Wuhan à prendre des mesures au début de l’épidémie, et leur confusion, avant et après la fermeture de la ville, ont suscité une énorme panique au sein de la population ». Pourtant, entre la fin décembre 2019, alors que les autorités de la ville confirmaient l’apparition d’un virus semblable à celui de la pneumonie, et le 23 janvier 2020, où Wuhan était mise en quarantaine, moins d’un mois s’était écoulé. Le 8 avril, les dernières restrictions étaient levées.La suite de l’histoire est connue, dont les conséquences dramatiques pour le Québec, qui compte à l’automne 2020 plus de 6 000 morts pour une population de 8 millions d’habitants, alors que Wuhan ne compterait que 2 500 morts pour 14 millions de personnes.La sévère quarantaine de Wuhan a-t-elle fait des miracles ?Il est permis de douter des chiffres avancés par Pékin, mais il est connu qu’un régime politique autoritaire ne suggère ni ne conseille, mais impose. « Car tout le monde en Chine sait que, dès qu’une affaire est prise en main au niveau national, ce sont toutes les ressources du pays qui vont être mobilisées pour prêter main-forte. » À titre d’exemple, un hôpital de 1 600 lits, suivi d’un deuxième, est établi en une dizaine de jours, sous les regards abasourdis des Occidentaux. Wuhan avait divisé les malades en quatre catégories : « Les malades gravement atteints ont été dirigés vers les hôpitaux classiques, les personnes contaminées ne présentant que des symptômes bénins vers les hôpitaux mobiles, les cas suspects ont tous été envoyés en quarantaine dans des hôtels et les personnes ayant été en contact étroit avec des malades ont été mises à l’écart dans différents lieux de confinement – des hôtels, mais aussi des dortoirs d’établissements scolaires, etc. »Fang Fang se veut tantôt obéissante, tantôt révoltée. « Certains médecins recommandent instamment de ne pas sortir de chez soi tant que l’on a encore du riz, quitte à ne manger que ça. Parfait, suivons ces instructions. » Ailleurs, elle explique : « Il y a aussi les personnes décédées non diagnostiquées et celles mortes chez elles qui n’ont pas eu le temps d’aller à l’hôpital. On estime que ces décès n’ont pas été comptabilisés. Par conséquent, il est probable que personne ne sache le nombre exact de morts ».Pendant l’épidémie, une foule de bénévoles et de « volontaires » nommés par Pékin ont été mis à contribution, autant pour venir en aide aux funérariums débordés que pour soulager les personnes âgées cloîtrées chez elles. Fang Fang raconte : « Des techniciens de haut vol, membres du Parti, ont eux aussi été envoyés sur le terrain. Chacun se voit assigner plusieurs foyers et doit s’enquérir de leur état de santé, de leurs besoins au quotidien […], puis faire remonter ces informations aux autorités ». Le mot d’ordre était : « Tous ceux qui n’assurent pas leur mission seront limogés ».L’autrice analyse les drames qu’a connus l’an 2020 : « Dans un premier temps, c’est la Chine qui s’est rendue coupable de négligence, puis les pays occidentaux se sont montrés arrogants, ils n’ont pas su faire confiance à l’expérience acquise par la Chine dans la lutte contre le virus : c’est tout cela qui a causé la mort d’innombrables personnes à travers le monde, brisé d’innombrables familles et infligé de lourds dégâts à la société ».Après avoir autorisé la publication de son livre tout d’abord aux États-Unis sous le titre de Wuhan Diary (HarperCollins), Fang Fang a été vilipendée, sinon vouée aux gémonies par certains médias chinois qui y voyaient une trahison de sa part, bien qu’elle ait fait don de ses droits d’auteur à la ville de Wuhan.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...