« Il est très dangereux de croire que la chute d’un symbole entraîne la fin de ce qu’il représente », écrit, à propos du communisme, l’opposant politique russe Garry Kasparov, dans Winter is coming. L’ancien champion du monde d’échecs en donne pour preuve les dérives du système politique mis en place après l’effondrement de l’Union soviétique au début des années 1990. Croyant que seule une main ferme pouvait empêcher le pays de sombrer dans le chaos, on a fermé les yeux sur les accrocs qu’il a fallu faire alors à la toute nouvelle démocratie. « Renoncer à la liberté pour la stabilité était un mauvais choix. »
Des années Eltsine (1991-1999), Kasparov fait le bilan suivant : « Il [Eltsine] ne mit pas en place la moindre institution durable. Les nouvelles structures ne reposaient que sur sa gouvernance, tandis que les libertés n’existaient que parce qu’il les autorisait. Il était impossible qu’un tel système supporte le départ de son créateur ». Plus loin, il écrit : « Eltsine affaiblit presque tous les aspects de la société démocratique, ce dont la Russie ne se remit jamais. Le successeur d’Eltsine [Poutine] ne perdit pas un instant pour reprendre les outils de répression et de corruption, et s’en servir chaque jour de son mandat ». Contrôle de l’information, mainmise sur le système judiciaire, renforcement du pouvoir central au détriment des régions, accroissement de l’appareil de contrôle de l’État, harcèlement constant ou élimination de toute opposition ; la Russie de Poutine telle que la décrit Garry Kasparov serait devenue un État fasciste.
Kasparov en a aussi contre toutes les démocraties occidentales (Europe, Amérique) qui avalisent ce déni de droit fait au peuple russe, en considérant Vladimir Poutine comme un interlocuteur légitime. À cette culture du mépris pour son peuple s’ajoute une série d’irritants politiques (soutien au régime syrien, collaboration avec l’Iran relativement au nucléaire, fourniture de technologies des missile à la Corée du Nord, annexion de la Crimée, déstabilisation de l’Ukraine, etc.) qui auraient dû amener les chefs d’État à imposer des sanctions sévères au régime poutinien. Mais, ajoute Kasparov, « cela [n’a] pas empêché Obama de s’asseoir avec Poutine et de débiter ses habituelles âneries à propos de coopération et d’amitié ».
Livre militant, livre engagé, l’essai de Kasparov apporte peu d’informations nouvelles sur l’histoire récente de la Russie. Ce qui a plus de force cependant, c’est sa condamnation des gouvernements occidentaux pour leur manque de courage et surtout leur manque de « clarté morale », eux qui se posent sur toutes les tribunes en défenseurs des droits de la personne. À la fin de son ouvrage, Garry Kasparov leur rappelle ceci : « Chaque société comprend des dissidents, pas seulement les dictatures. Ils s’expriment au nom des individus privés de droits, ignorés et persécutés. Écoutez-les à présent car ils décrivent l’avenir ».
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