Voilà un livre qu’on ne lira pas d’un trait. Non pas que le récit des méfaits de William Fyfe, un des plus importants tueurs en série qu’ait connu le Canada, manque d’intérêt, au contraire. Mais l’horreur des gestes rapportés impose des reculs tant ce qu’on lit donne des haut-le-cœur.
Un malaise décuplé du fait que, contrairement à la litanie de romans (et d’émissions télévisées) relatant ce type d’histoires sordides, les crimes décrits dans cet ouvrage ne relèvent pas de la fiction. Ils se sont déroulés ici, au Québec, en pleine région métropolitaine. On parle donc de cas réels, plus précisément de neuf femmes ayant eu une fin ignoble.
Natif de Toronto, premier enfant d’une femme démunie et d’un père violent et malfaiteur, William Fyfe commence sa « carrière » au Québec, où ses parents prennent racine. Vivant de petits boulots, il a quelques relations avec des femmes, marquées par une idylle intense au début, mais croulant rapidement sous une routine étouffante. Fyfe a en effet ses manières, égoïstes et individualistes, dont une, singulière : il insiste pour laver lui-même ses vêtements.
Fyfe, comme tous les assassins de son genre, reproduit un modèle : il s’en prend à des femmes seules, souvent dans la cinquantaine, sans histoire, qu’il assassine en usant d’une violence rarement vue dans les annales judiciaires. Une piste menant à une autre, Fyfe est finalement arrêté en décembre 1999 et condamné en 2001, grâce aux preuves d’ADN.
Marc Pigeon, journaliste pour un quotidien montréalais, réussit son pari et nous met dans la peau des policiers, en décrivant avec précision leurs méthodes d’enquête, où le flair s’allie à la biologie. À travers l’accumulation des preuves, on découvre un Fyfe manipulateur, mystificateur, ce qui lui permet même d’être mêlé d’assez près à la bonne société du village de Saint-Hippolyte pendant toute la décennie 1990. L’enquête dévoile aussi, insiste l’auteur, un Fyfe poltron, ayant tout fait, y compris avouer ses crimes, pour purger sa peine ailleurs et éviter ainsi les sévices des prisonniers québécois. Il est maintenant enfermé en Saskatchewan, loin du Québec qu’il aura souillé de son irrécupérable folie.